Spectacle Vivant

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1 12/2021

TARTUFFE mise en scène décor et costumes Macha Makeïeff | La Terrasse 24_11_21

mercredi 1 décembre 2021|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: |

TARTUFFE Théorème, texte Molière / mise en scène, costumes, décor Macha MakeïeTARTUFFE Théorème, texte Molière / mise en scène, costumes, décor Macha Makeïeff - Critique sortie Théâtre Paris Théâtre des Bouffes du Nord

LA CRIÉE – THÉÂTRE NATIONAL DE MARSEILLE/THÉÂTRE DES BOUFFES DU NORD / TEXTE MOLIÈRE / MISE EN SCÈNE, COSTUMES, DÉCOR MACHA MAKEÏEFF

Publié le 24 novembre 2021 – N° 294

Parti des dévots, la Compagnie du Saint-Sacrement, qui lutte avec ardeur contre tout comportement supposé manquer de respect à la religion catholique, a sans doute contribué en 1664 à faire interdire les représentations de Tartuffe. La censure a duré quelques années, et ce n’est qu’en 1669 que le protégé de Louis XIV et son illustre troupe jouent enfin la pièce, dans une version remaniée intitulée Le Tartuffe ou l’Imposteur. Quant au titre choisi par Macha Makeïeff – TARTUFFE Théorème –, il accorde au personnage de Tartuffe une dimension pasolinienne en l’associant à l’Envoyé de Théorème, jeune homme qui s’introduit au sein d’une riche famille milanaise, séduit sexuellement chacun et chacune, puis s’en va. « Tartuffe n’opère pas pour son compte, il est un agent de la secte et sous son regard. » explique la metteure en scène. Cet aspect apparaît explicitement lors d’une scène collective et cérémonielle. C’est un défi d’interpréter un tel « envoyé », manipulateur et séducteur, mais aussi intrus venu d’ailleurs et comme absent au monde, n’existant pas pour soi mais uniquement dans le rapport de possession qu’il exerce. Intemporel, insensible, charismatique, Tartuffe est ici un ange noir inquiétant et glaçant, un révérend destructeur que Xavier Gallais interprète avec toute l’ambivalence et la part de folie requises. Un ange noir aussi invasif qu’un corbeau hitchcockien, aussi mystérieux qu’un fantôme ou son double…

 Une famille sous influence

Infiltré dans une famille bourgeoise de la fin des années 1950, l’hypocrite dévot en exacerbe les dysfonctionnements, en révèle les contradictions.  Dans sa mise en scène de Trissotin ou Les Femmes Savantes (2015), incandescente et pétillante, Macha Makeïeff pointait déjà les désordres et les violences des relations familiales. Dans une atmosphère ici davantage marquée par la noirceur et l’étrangeté, seule madame Pernelle (géniale Jeanne-Marie Lévy), la mère d’Orgon, se révèle très drôle, de même que le personnage si burlesque de la Bonne (hilarant Pascal Ternisien). A l’inverse d’Orgon (Vincent Winterhalter épatant, en alternance avec Arthur Igual), victime consentante et aveugle, les personnages féminins s’affirment ici dans leur présence résistante et désirante, telles Elmire, interprétée avec finesse et maîtrise par Hélène Bressiant, Dorine, qui ose dire et dénoncer avec aplomb (parfaite Irina Solano), ou encore Mariane (touchante Nassima Bekhtaoui), peu aidée dans son combat contre son père par l’indélicat Valère (impeccable Jean-Baptiste Le Vaillant). Damis, le fils d’Orgon, (remarquable Loïc Mobihan), comme Cléante, le frère d’Elmire (volontaire Jin Xuan Mao), se débattent dans un maelström qu’ils ne contrôlent pas. L’ensemble questionne la déliquescence des relations filiales, la thématique de la prédation, du consentement, lorsque vice et vertu se confondent dangereusement. Hautement contemporain, ce sillon interroge ces zones grises si difficiles à caractériser, ces phénomènes d’emprise illimitée, agissant politiquement et/ou religieusement.

 

Agnès Santi

20 10/2021

Ariane Ascaride célèbre “Paris retrouvée” | Télérama Sortir 20_10_21

mercredi 20 octobre 2021|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: |

Ariane Ascaride célèbre “Paris retrouvée” : “Une ville n’est pas une juxtaposition de terrasses”.  

Propos recueillis par Joëlle Gayot

Publié le 20/10/21

Avec “Paris retrouvée”, Ariane Ascaride entend “faire entendre de quelle manière Paris a inspiré des auteurs magnifiques”.

jerome lobato pour télérama

Trop longtemps endormie, la capitale a enfin repris vie. Dans son dernier spectacle, à voir à La Scala, à Paris, la comédienne fête cette renaissance, avec les mots de Victor Hugo, Elsa Triolet ou Aragon.

Pourquoi revenir au théâtre avec un spectacle sur Paris ?
En février 2020, j’avais rendez-vous avenue de Wagram. Je suis arrivée en avance. Il n’y avait pas un café ouvert, ce qui m’a mise dans un grand état de frustration et de colère. Je regardais les gens marcher et je ne les voyais accomplir que des parcours strictement fonctionnels. Ils ne regardaient plus Paris. Je me suis alors dit : lorsque ces périodes de confinement et de couvre-feu seront derrière nous, je ferai un spectacle sur cette ville. J’ai réuni des textes, appelé les actrices qui jouaient avec moi dans Le Dernier Jour du jeûne, de Simon Abkarian sollicité une chanteuse et un accordéoniste, et l’aventure a démarré.

S’agit-il d’un cabaret ?
Plutôt d’une lecture-spectacle. Nous sommes des saltimbanques, debout, derrière nos pupitres et nos micros, mais nous pouvons nous poser n’importe où. Nous voulons faire entendre de quelle manière Paris a inspiré des auteurs magnifiques.

Pourquoi ce titre, « Paris retrouvée » ?
J’ai pensé à de Gaulle : « Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! mais Paris libéré ! » Mais surtout, une fois la liberté de circuler rétablie, j’ai eu le sentiment vivace de retrouver Paris. Nous en avons été exclus si longtemps. Il faut revenir flâner dans les rues et être de nouveau réunis. Raison pour laquelle je suis entourée d’amies pour dire les mots d’Aragon, d’Elsa Triolet, de Louise Michel ou encore de Victor Hugo. J’aimerais que ce moment apaisant ressemble à une photo de Robert Doisneau

“Paris ne doit surtout pas devenir un musée. On y ferme des écoles, elle est de moins en moins populaire.”

Le mot « retrouvée » est écrit au féminin. Pour vous, Paris est-elle une femme ?
Absolument. Et aussi une amie qui ne doit surtout pas devenir un musée. On y ferme des écoles, elle est de moins en moins populaire. Les tapissiers, les menuisiers de la rue du Faubourg-Saint-Antoine ont disparu. Je ne suis pas passéiste, mais je pense qu’une ville n’est pas qu’une juxtaposition de terrasses.

Quels dégâts le Covid a-t-il faits ?
Nous avons vécu un tsunami. Or, après un tsunami, lorsque la mer se retire, beaucoup de choses traînent sur les plages : des voitures, des cahiers, des morts. Nous sommes en train de découvrir ces traces. Le traumatisme est fort. Il paraît que, pour les Américains, Paris est la ville de l’amour. C’est aussi celle des attentats de 2015, celle de Mai 68, de la Commune. Je ne l’oublie pas.

Avez-vous envie de restaurer son image ?
Je voudrais surtout que l’on s’autorise à la regarder pour rien, à s’y balader, que l’on se charge de tout ce qu’elle peut émettre, que l’on s’y dope à l’énergie d’une simple promenade. Nous étions enfermés. Nous ressortons et tout a changé : des rues en sens interdit, d’autres qui ne sont plus accessibles. Nous ne pouvons plus faire les mêmes trajets qu’avant. Nous devons en inventer de nouveaux.

Êtes-vous une marcheuse citadine ?
De chez moi, je vais à pied jusqu’à la place de la République. Une fois là, deux options : soit je prends les Grands Boulevards, soit je bifurque vers la Seine, auquel cas je me rends sur les quais, je traverse les ponts. J’adore marcher, c’est le meilleur moyen de voir une ville et de laisser aller son imagination. Je regarde, je prends des notes, mais je fais peu de photos. L’architecture, les lumières, tout cela ne peut que provoquer des envies d’écrire ou de filmer.

“J’ai fait le tri dans des mondanités qui ne m’intéressent pas.”

Le tsunami Covid a-t-il aussi sévi en vous ?
Bien sûr. J’ai perdu des amis chers durant cette période. Ils me manquent. Mais j’ai aussi gagné en liberté. J’ai fait le tri dans des mondanités qui ne m’intéressent pas. Moi qui suis déjà une grande gueule, j’ai encore plus envie de parler. Je suis également devenue grand-mère, l’aventure la plus géniale qui soit. Les enfants ont été héroïques pendant le confinement, on leur doit un respect absolu. J’ai d’ailleurs accepté d’être la marraine de Mon premier festival, le festival de cinéma pour enfants organisé par la mairie de Paris et l’association Enfances au cinéma.

Est-ce une coïncidence si vous faites un spectacle sur Paris au moment où Anne Hidalgo annonce sa candidature à la présidentielle ?
Elle m’a prise de court ! Blague à part, j’ignorais qu’elle allait se présenter. Je la respecte, mais nous ne sommes pas intimes. Je ne crois pas que nous importerons ce spectacle dans ses futurs meetings.

À voir
Paris retrouvée, jusqu’au 6 novembre. Du jeudi au dimanche à 19h à La Scala, 13 bd de Strasbourg, 10e. 28 €.

Propos recueillis par Joëlle Gayot

www.telerama.fr

8 10/2021

« Harvey » au TNP de Villeurbanne, avec Jacques Gamblin en doux dingue | France Info 08-10-21

vendredi 8 octobre 2021|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: |

 

Le comédien Jacques Gamblin est à l’affiche d' »Harvey », histoire loufoque d’Elwood P. Dowd et de son ami Harvey, un lapin de presque deux mètres qu’il est le seul à voir. Très populaire chez les Anglo-saxons, la pièce n’avait jamais été jouée en France. C’est chose faite grâce à la mise en scène de Laurent Pelly.

Ariane Combes-Savary

France Télévisions / Rédaction Culture

Publié le 08/10/2021 11:19Mis à jour le 08/10/2021 11:25

Temps de lecture :  4 min.

Jacques Gamblin incarne Elwood dans « Harvey » de Mary Chase, mise en scène de Laurent Pelly.  (POLO GARAT)

 

Des éclats de rire à la pelle. Une salle enthousiaste et démonstrative. Voilà ce qu’il manquait à la troupe de Laurent Pelly qui répétait depuis des mois : se confronter au public et le sentir vibrer. Harvey, l’histoire fantasque et rocambolesque d’Elwood P. Dowd et de son ami imaginaire présentée au Théâtre National Populaire de Villeurbanne réussit son entrée en matière. Une dizaine de représentations du 1er au 10 octobre 2021, presque toutes complètes, le bouche à oreille fera le reste.

Sous les traits de Jacques Gamblin, Elwood P. Dowd est un cinquantenaire aimable et joyeux qui se promène partout avec son ami Harvey, un lapin géant de presque deux mètres que personne d’autre que lui ne voit. Un compagnon bien encombrant aux yeux de son entourage. Lasse de le voir troubler ses rendez-vous mondains, sa soeur décide de l’interner en hôpital psychiatrique mais c’est elle finalement qui se retrouve enfermée.

Emmanuel Daumas, Agathe L’huillier et Charlotte Clamens (POLO GARAT)

 

Harvey est une farce désopilante et mélancolique, un vaudeville grinçant qui vient détraquer la mécanique bien huilée d’une petite société bourgeoise. Une pièce qui navigue entre folie et méchanceté, entre cruauté et bienveillance. « C’est un boulevard américain beaucoup plus profond et beaucoup plus grave qu’on ne peut le penser », s’enthousiasme le metteur en scène Laurent Pelly dont l’obsession est d‘ »être au bon endroit, entre la farce et le sérieux. » Une comédie sans cesse sur le fil, qui interroge notre rapport à l’autre. Et à la folie.

Une part de mystère, d’enfance et de poésie

Jacques Gamblin campe un Elwood attachant, gentil et farfelu, toujours juste. Pour rester sur cette ligne fragile entre le trop et le pas assez, le comédien confie avoir beaucoup travaillé et répété. Le rôle « tient du clown par la candeur et la naïveté du personnage, mais il faut traduire un contrepoint de solitude qui le menace profondément et l’a conduit à créer cette amitié », témoigne-t-il dans le magazine L’avant-scène théâtre.

« Jacques c’était une évidence absolue. Je ne voyais personne d’autre pour incarner Elwood », révèle Laurent Pelly dont c’est la première collaboration avec le comédien. « Il est à la fois charmant et malicieux. Il a en lui cette part de mystère, d’enfance et de poésie. »

Immense succès à Broadway

Écrite en 1944 par la journaliste et dramaturge américaine Mary Chase et mise en scène l’année suivante par Antoinette Perry, Harvey connaît un succès immédiat et vaut à son auteure le prix Pulitzer. A Broadway, la pièce se joue pendant cinq ans sans interruption, soit 1775 représentations. En 1950, James Stewart immortalise Elwood au cinéma. C’est cette adaptation que Laurent Pelly découvre il y a six ans et qui lui donne envie de la mettre en scène. L’histoire connue de tous les Anglo-saxons n’avait étrangement jamais franchi l’Atlantique pour être jouée sur une scène française. Agathe Mélinand, complice de longue date du metteur en scène se charge de la traduction.

En 1950, le cinéma se saisit du conte de Mary Chase et offre à James Stewart le rôle d’Elwood et une nomination aux Oscars. Josephine Hull qui incarne la soeur d’Elwood remporte l’Oscar du meileur second role. (Copyright 1950 by Universal Pictures Co. Inc. Country of origin : USA)

 

La pièce est elle aussi une belle histoire de complicité et d’amitié entre les fidèles compagnons de Laurent Pelly comme Pierre Aussedat, Emmanuel Daumas et Christine Brücher qui interprète (en alternance avec Charlotte Clamens) Vita Simmons, la soeur d’Elwood. Un esprit de troupe cher au metteur en scène qui signe là une comédie réglée au millimètre, servie par des décors signés Chantal Thomas qui naviguent comme les personnages entre un intérieur bourgeois étriqué et un asile d’aliéné.

On sort joyeux et revigoré d’une telle rencontre avec cet Elwood qui a choisi d’être charmant plutôt qu’intelligent. On se surprend à penser qu’à notre tour, on l’inviterait bien à notre table cet Harvey. Juste pour goûter à la poésie et au merveilleux.

« Harvey » de Marie Chase, mise en scène Laurent Pelly – Tournée 2021-2022

– TNP, Villeurbanne, du 1er au 10 octobre 2021, du mardi au samedi à 20 h sauf jeudi à 19 h 30, dimanche à 15 h 30, relâche le lundi

– L’Odyssée, Périgueux, le 7 janvier 2022 à 20 h 30
– MAC, Créteil, les 12 et 13 janvier 2022 à 20 h
– Théâtre Montansier, Versailles, du 18 au 22 janvier 2022 à 20 h 30
– Théâtre de St Germain en Laye, le 28 janvier 2022 à 20 h 45
– Théâtre de Gascogne, Mont-de-Marsan, le 2 février 2022 à 20 h 30
– L’Olympia, Arcachon, le 4 février 2022 à 20 h 45
– L’Avant-Seine, Colombes, le 8 mars 2022 à 20 h 30
– Théâtre Jean Vilar, Suresnes, les 10 et 11 mars 2022 à 20 h 30
– ADO, Orléans, du 17 mars au 1er avril 2022
(les 17 et 23 mars à 19 h ; les 10, 11, 18, 19, 24, 25, 26 mars à 20 h 30, les 20 et 27 mars à 15 h)

www.francetv.fr 

8 10/2021

La jeune création musicale à La Scala Paris | Les Echos 07_10_21

vendredi 8 octobre 2021|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: |

 

Le festival Aux Armes Contemporains permet de découvrir de nombreuses compositions d’aujourd’hui et des esthétiques contrastées, du piano solo à l’ensemble instrumental avec choeur. Avis aux curieux !

« Le Papillon noir », opéra de Yann Robin sur un livret de Yannick Haenel, va faire vibrer La Scala Paris. (Gwendal Le Flem)

ParPhilippe Venturini

Publié le 7 oct. 2021 à 16:17Mis à jour le 7 oct. 2021 à 16:54

 

« La Scala suscite de plus en plus d’intérêt de la part des artistes », explique Rodolphe Bruneau-Boulmier, conseiller musical de la salle parisienne du boulevard de Strasbourg. « Nous sommes très sollicités par des ensembles étrangers. » Avec ses deux salles de 550 et 180 places, la Scala Paris propose, depuis sa réouverture, outre le théâtre, une programmation musicale originale tournée vers la création et la découverte dont le festival Aux Armes Contemporains est l’étendard.

En un week-end, cette quatrième édition réunit en effet pas moins de treize compositeurs qui offriront sept pièces en création mondiale ou parisienne. Certaines oeuvres créées en province viennent ainsi se faire entendre pour la première fois en Île-de-France comme « Le Papillon noir », opéra de Yann Robin sur un livret de Yannick Haenel mis en espace par Arthur Nauzyciel. Il sera interprété par la soprano Elise Chauvin, souvent entendue dans les spectacles du Balcon, et les remarquables ensembles Multilaterale et Les Métaboles sous la direction du brillant Léo Warynski.

« J’admire Yannick Haenel, j’ai beaucoup aimé « Tiens ferme ta couronne » et j’étais curieux de savoir comment il pouvait s’accorder à la musique. Par ailleurs, le langage de Yann Robin a beaucoup évolué, quittant les sonorités saturées qui l’ont fait connaître. « Le Papillon noir » questionne le genre de l’opéra. Que faire aujourd’hui de cette forme tellement marquée par le poids de l’histoire ? » Une chanteuse-actrice, un petit orchestre, un choeur, un dispositif électronique : c’est la première fois que La Scala accueille un opéra et une trentaine d’artistes sur scène.

Saxo et électro

La manifestation qui se veut un soutien à la jeune génération s’ouvre par un concert qui ne manque pas de souffle autour du saxophoniste Eudes Bernstein (« il est très très fort ! ») qui, avec quelques instrumentistes, affiche un programme où Berlioz, Ravel et Webern côtoient les compositeurs d’aujourd’hui tels Ondrej Adamek, Vincent David, lui-même saxophoniste et Grand Prix Lycéen des Compositeurs 2021, et Matteo Franceschini dont on découvrira, en première mondiale, une pièce pour saxophone ténor et électronique.

Vanessa Wagner, qui vient d’enregistrer un superbe programme américain à deux pianos avec Wilhem Latchoumia pour La Dolce Volta, évoluera entre Arvo Pärt, Bryce Dessner, Francesco Filidei, Alex Nante et l’Américaine dont on parle beaucoup Caroline Shaw. De quoi satisfaire sa soif de découverte, tout comme « La Toute Multiple », nouvelle pièce de l’ensemble Liken conçue par le compositeur et trompettiste Timothée Quost et dirigée par Léo Margue qui promet, grâce à l’amplification, de l’inouï.

Voilà de quoi enthousiasmer les plus curieux, les plus à l’écoute de leur temps. On parle, en outre, de projets d’extension et de label discographique. La Scala Paris n’a donc pas fini de grimper.

FESTIVAL AUX ARMES CONTEMPORAINS

Musique

La Scala Paris

13, boulevard de Strasbourg, 75010

01 40 03 44 30, www.lascala-paris.com

du 8 au 10 octobre

Philippe Venturini

www.lesechos.com

15 08/2021

Les voix et l’océan – Le Festival Lyrique de Belle-Île-en-Mer | Forum Opéra 12-08-21

dimanche 15 août 2021|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: |

Par Marcel Quillévéré | jeu 12 Août 2021 | Imprimer

De tout temps, Belle-Île-en-Mer a eu un lien fort avec l’Amérique du Nord (50% des Bellîlois sont d’ailleurs d’origine acadienne). Rien de plus  naturel, donc, que ce soit le célèbre baryton-basse Richard Cowan qui a eu l’idée d’y créer un Festival d’Art Lyrique en 1997. Cette année-là il chante à Berlin et décide de prendre des vacances en Bretagne. A Belle-Île, il visite la citadelle Vauban, et rencontre André et Anna Larquetoux à qui le domaine public a vendu un monument en péril et qui l’ont restauré de manière remarquable. Cowan chante pour eux et les convainc d’y organiser Le Festival Lyrique de Belle-Île-en-Merdont ils seront ainsi les premiers mécènes. En 1998 les deux premiers récitals ont attiré jusqu’à 600 personnes. Chaque année Cowan est parvenu, grâce au public et aux donateurs, à monter un opéra et de grandes œuvres pour solistes, chœur et orchestre (en petit effectif). En 2001, il fait appel au pianiste britannique Philip Walsh comme chef de chant et chef d’orchestre. À sa mort en 2015 c’est ce dernier qui reprend la direction artistique du festival. Le public est toujours aussi fidèle et la billetterie représente aujourd’hui 35% du budget allié à un mécénat à plus de 50%. C’est assez exceptionnel et ce courage mérite d’être soutenu davantage. Cet été, suite à la crise sanitaire, il n’y a pas d’opéra. Mais l’imagination et le talent sont au rendez-vous. Après une Soirée Cabaret, le public est convié le 1er août  à assister a un concert littéraire Un été chez Sarah Bernhardt à Belle-île qui évoque les séjours, chez elle, du compositeur Reynaldo Hahn. Le cadre choisi est sublime : la falaise de la Pointe des Poulains qui domine le fortin de la comédienne. Ce récital en plein air réunit, autour du piano de Philip Walsh, le comédien Michaël Martin-Badier et la soprano américaine Lauren Urquhart (en saison au Volksoper de Vienne) qui a remplacé au pied levé la cantatrice prévue. Un exploit car elle appris le répertoire en 36 heures. Le résultat est époustouflant. Elle nous fait comprendre chaque mot, et porte la musique au sommet. Sa voix de soprano léger au timbre lumineux distille avec justesse les poèmes choisis par Reynaldo Hahn parmi ceux de Verlaine, Hugo, Leconte de l’Isle, et bien d’autres. Dans l’Air du départ, sur le texte de Sacha Guitry, son interprétation rappelle même Yvonne Printemps sa dédicataire. A ses côtés, le comédien Michaël Martin-Badier est un élégant complice avec ce qu’il faut de douce ironie et d’humour. Le texte que Fabienne Marsaudon a écrit à partir des lettres et récits de Reynaldo Hahn est d’une sensibilité à fleur de peau et évoque la belle amitié du compositeur et de la comédienne avec une justesse et un sens de la théâtralité qui captive l’auditeur. Philip Walsh donne une grandeur insoupçonnée à plusieurs mélodies et souligne ainsi la filiation qui unit Hahn à Poulenc. Il joue plusieurs fois en soliste notamment l’accompagnement du Tango habanera qui vaut d’être entendu sans la ligne de chant. Il est rare d’entendre un récital entièrement consacré à Reynaldo Hahn. Grâce soit rendue aux interprètes de nous en avoir exprimé la véritable envergure. A la fin, sur les dernières phrases du piano, la chanteuse et le comédien se tournent, face à l’océan mordoré, vers le fortin de Sarah Bernhardt, alors qu’un soleil couchant éblouissant les illumine. Quand les artistes et l’écrivaine quittent la scène, ils se mêlent au public qui leur fait, très ému, une véritable haie d’honneur sur la lande.

Le 3 août rendez-vous dans la magnifique église de Locmaria (XIe siècle), pour le concert traditionnel de musique sacrée composé cette fois (actualité oblige!) autour du thème du Choral du Veilleur « Wachet auf » écrit par un compositeur du XVIe siècle, au temps de la peste, et repris par Bach et Mendelssohn. Le jeune chef David Jackson est à l’orgue. Il a réalisé la réduction pour un petit ensemble qu’il dirige : sept musiciens venus de partout en Europe dont l’excellent premier violon anglo-serbe Nemanja Ljubinkovič. Le quatuor vocal interprète les récits, airs et chœurs. Dommage qu’il soit peu homogène. Le ténor et le baryton, dans un répertoire qui leur convient mal, peinent à s’accorder au magnifique duo de Lauren Urquhart toujours aussi rayonnante et de la mezzo française Eléonore Gagey à la voix veloutée et l’émission franche et assurée. L’engagement de tous attire la sympathie du public, notamment dans les extraits du Paulus  de Mendelssohn.

Le lendemain c’est l’imposante citadelle de Vauban qui accueille les chanteurs pour un gala d’opéra. Le public a rempli la grande salle, lieu mythique du Festival. Eléonore Gagey est excellente dans l’air de Rosine du Barbier de Séville de Rossini et particulièrement émouvante dans l’air d’Ariodante de Haendel. Lauren Urquhart est à nouveau acclamée par le public notamment dans l’air de Morgane d’Alcina de Haendel et « O mio Babbino Caro » de Gianni Schicchi de Puccini. Sa technique exemplaire lui permet une égalité d’émission sur toute la tessiture, du grave sonore à l’aigu ample et brillant. Une vraie révélation !  Le ténor Peter Tantsits, très exubérant dans l’air de Gianni Schicchi, donne libre cours à des aigus très appuyés. Mais la ligne vocale et la justesse sont souvent hasardeuses. Un appui constant du souffle lui permettrait un meilleur legato et une diction vocalique plus précise. Le jeune baryton polonais Lukas Klimczak a une voix sonore et percutante. Son chant gagnerait à être plus nuancé car son timbre est magnifié quand il se permet des mezza-voce. Il est excellent dans l’air de Die Tote Stadt de Korngold et dans celui d’Eugène Onéguine de Tchaikovski.

Au piano David Jackson est tellement habité que le public lui fait une ovation. Durant les deux semaines du festival, c’est lui qui fait travailler le chœur d’enfants avec un talent rare de pédagogue. L’année prochaine il retrouvera le chœur de musique sacrée, formé par des amateurs de l’île et par les jeunes artistes en résidence. Car il y aura de l’opéra ! La beauté de ce festival (qui se poursuit cette année jusqu’au 12 août) tient aussi au fait que c’est le festival du peuple de Belle-Île et qu’il en est fier.

www.forumopera.com

11 08/2021

À Belle-Ile-en-mer, un été inoubliable avec Reynaldo Hahn chez Sarah Bernhardt | Vivace Cantabile 06-08-21

mercredi 11 août 2021|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: |

Site franco-japonais de musique classique et d’arts vivants

À Belle-Ile-en-mer, un été inoubliable avec Reynaldo Hahn chez Sarah Bernhardt

par Victoria Okada 06-08-2021

La 25e édition de Lyrique en Mer – Festival international de Belle-Île a donné un très beau concert le 1er août. Sur une terrasse sous le ciel, juste à côté du fortin de la tragédienne Sarah Bernhardt, sur la pointe des Poulains, des mélodies de Reynaldo Hahn se mêlaient aux mots.

*****

Le lieu est parfait pour une évocation poétique des souvenirs d’un été où Reynaldo Hahn, l’un des plus proches amis de Sarah Bernhardt, savourait le parfum maritime chez la résidence estivale de cette dernière.

 

Texte de Fabienne Marsaudon à la manière d’un journal intime de Reynaldo Hahn

Fabienne Marsaudon, autrice-compositrice-interprète, propose un texte écrit à partir des faits, ceux de l’été 1912, en se basant sur des récits et des lettres du compositeur, mais également sur des biographies et des archives de la tragédienne. Ce texte à la manière d’un journal intime, dit par Michaël Martin-Badier, est en parfaite adéquation avec la musique. À tel point qu’on ne sait pas si c’est le texte qui illustre la musique ou bien si c’est la musique qui s’insère dans le texte. Vers la fin, le récit aborde la mort de la mère de Hahn dans la même année 1912. L’écriture est si vraie qu’on a l’impression d’entendre la voix intérieure de Hahn ! L’immensité de la nature pour l’unique mise en scène, le concert se déroule au rythme des éléments. Ainsi, lorsque la musique évoque le coucher du soleil (Aux rayons du couchant, sur le poème de Jean Maréas), le soleil couchant au-delà du phare commençait à teinter le ciel et la mer aux couleurs dorées.
Michaël Martin-Badier semble se référer à Sacha Guitry dans sa façon de dire les mots, ce qui renforce l’atmosphère d’un salon littéraire. Il échange des regards avec la chanteuse et le pianiste, s’arrête de parler pour inviter les auditeurs à écouter les bruits lointains de la mer, ou lève les yeux pour contempler un moment le vent invisible. Les gestes sont naturels et spontanés, comme dans une vraie réunion amicale.

L’esprit de la Belle Epoque, un charme fou

Mais tout cela ne se serait pas passé de cette manière si la soprano américaine Lauren Urquhartn’avait pas remplacé au pied levé la chanteuse initialement prévue. En l’absence de celle-ci, Michaël Martin-Badier devait réadapter au dernier moment le timing et ses gestes, dans lesquels il a parfaitement réussi. Quant à la soprano qui ne parle pas le français, elle a appris phonétiquement les paroles, en moins de deux jours. Et sa diction est aussi claire que les chanteurs francophones les plus rompus dans l’exercice ! Outre la prononciation, elle possède un timbre cristallin et une projection naturelle, son intonation est juste. Si elle a tendance à raccourcir la dernière note d’un phrasé ample (qu’on aurait aimé entendre la résonance se prolonger), écouter sa voix est un vrai plaisir.
Au piano, le directeur artistique du festival Philip Walsh articule chaque note avec élégance. L’esprit de la Belle Epoque de Raynaldo Hahn est bien perceptible ça et là, ce qui apporte un charme fou à ce concert.

En bis, ils interprètent la célèbre Heure exquise. Et en effet, l’heure était exquise, avec un magnifique coucher du soleil à l’horizon. A la fin, les artistes se retournent vers le fortin, vers la mer, comme pour savourer le délice de ce moment unique.

Victoria Okada

www.vivace-cantabile.com

 

 

30 07/2021

Macha Makeieff- Exposition Trouble Fête- Les Matins d’été de France Culture 27-07-21.Pdf

vendredi 30 juillet 2021|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: |

27 juillet 2021

Nous recevons aujourd’hui dans Les Matins d’été l’artiste, plasticienne et metteure en scène Macha Makeïeff pour nous parler de son exposition « Trouble fête, collections curieuses et choses inquiètes » présentée au Musée des Tapisseries d’Aix-en-Provence jusqu’au 7 novembre prochain.

Macha Makeïeff est une auteure, metteure en scène, plasticienne et scénographe. Elle dirige depuis 2011 La Criée, le Théâtre National de Marseille. Elle présente jusqu’au 7 novembre son exposition « Trouble fête, collections curieuses et choses inquiètes » qu’elle avait déjà présentée à la Maison Jean Vilar à Avignon en 2019 dans le cadre de la création de son spectacle Lewis versus Alice.

Il a fallu investir ce lieux-là avec un récit immobile, c’est-à-dire passer d’une chambre à l’autre sans savoir où est le rêve et la fiction, où on bascule de l’autre côté du miroir. 

Une nouvelle scénographie 

Répondant à l’invitation de Christel Roy, coordinatrice des musées de la Ville d’Aix-en-Provence, Macha Makeïeff a mis en forme d’une nouvelle manière ce récit en s’installant dans les sept espaces du musée d’Aix. Car « Trouble fête » est une exposition qui épouse le concept de site-specific: à savoir une installation qui change d’espaces d’exposition, qui se réécrit dans différents lieux, une mise en récit nouvelle dans des lieux à chaque fois différents : la Maison Jean Villard en 2019, le Musée des Tapisseries cette année, puis le Théâtre National Populaire en mars prochain.

Le visiteur bouge, il n’est pas assigné à une place comme au théâtre, il va fabriquer son propre récit. 

C’est un site-specific, c’est-à-dire que selon là où l’on m’invite je réinvente le récit avec le lieu que l’on me propose. 

Une déambulation onirique 

L’exposition se déroule donc dans les sept grandes salles du Musée de la Tapisserie d’Aix-en-Provence. C’est une déambulation onirique, mystérieuse, presque fantastique dans l’univers de Macha Makeïeff : un mélange d’animaux empaillés ou de leurs squelettes, de fragments de choses, d’objets divers, de morceaux de décors, de costumes, de textes, de sons …. « Trouble fête » est pour elle un récit sur son enfance, sur les objets, sur la perte, sur la presque mobilité des choses. C’est un spectacle, un récit immobile dans le pays du rêve, avec ses angoisses, ses poésies, sa beauté, ses mystères, ses illusions.

Je pense que ça raconte les traces, une enfance qui ne passe pas, probablement celle de chacun et chacune. L’exposition est comme un gant qui se retourne, il y a un aller et un retour et on passe de l’autre côté du miroir. 

Ce qui m’importe c’est la juxtaposition des choses, c’est le récit. 

Macha Makeïeff est à la tête du Théâtre national de Marseille depuis 2011. Malgré l’année et demie écoulée qui a obligé la fermeture des théâtres et des lieux de spectacle, la Criée ne renonce ni à la création ni à la programmation et ce sont ainsi 242 levés de rideaux qui son prévus pour la saison prochaine. Le TNM continue d’assurer sa politique d’éclectisme en proposant pour l’année 2021/2022 une programmation riche et diverse avec du chant, de la danse, du théâtre, des expositions, des concerts, des contes… Un bouillonnement culturel à l’image du lieu de la ville.

Macha Makeïeff est une auteure, metteure en scène, plasticienne et scénographe. Elle dirige depuis 2011 La Criée, le Théâtre National de Marseille. Son exposition « Trouble fête, collections curieuses et choses inquiètes » se déroule au Musée des Tapisseries d’Aix-en-Provence jusqu’au 7 novembre prochain.

28 06/2021

Festival. Arte Flamenco, le Duende en son arène | l’Humanité 27-06-21

lundi 28 juin 2021|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: |

CULTURE ET SAVOIRS

Festival Arte Flamenco

27 Juin 2021

Génica Baczynski

Arte Flamenco revient en ses terres du 29 juin au 3 juillet à Mont-de-Marsan. La contrainte du plein air est ici, dans les arènes du Plumaçon, à la fois un retour à une forme originelle et l’écrin tragique de cet art « insensé ».

On attendait Arte Flamenco peut-être plus que n’importe quel autre festival, l’année aveugle a décuplé l’envie d’embarquer à nouveau sur les mers aux mille et un récits, aux mille et un « palos ». Les quelques jours à Mont-de-Marsan sont un exil qu’aucun autre voyage ne peut inventer ni même rêver. Le festival est une traversée où l’on se révèle en aficionados souvent insoupçonné et à jamais possédé par cet art du ravissement enfiévré.

Langue charnelle et magique

Le flamenco dévore tout le paysage. Il réenchante les êtres qui s’aventurent dans le noir merveilleux de ses bras. Alors, pour le spectateur, il n’existe plus que cette langue charnelle et magique qui jamais ne se répète. Le flamenco est un art du sortilège. Le désir ne voudrait jamais en partir et pour toujours en pâtir. On ne raisonne pas, on succombe corps et âme à cette réalité résolue à être enfin vagabonde. On est toujours, même dans ce décor où les obligations modèlent une absolue liberté, dans cet incendie des émotions. Les arènes concrétisent à la perfection ce continent où l’enfermement n’est jamais autre chose que l’éventualité de raconter des histoires pour esquiver la mort.

Dans cette ville métamorphosée en âme sévillane, on s’enivre à la mesure des débats, des bodegas et des bavardages cadencés

Tout au long de la journée, dans cette ville métamorphosée en âme sévillane, on s’enivre à la mesure des débats, des bodegas et des bavardages cadencés autour des artistes. En particulier, cette année, avec la lecture sonore des Danseurs de l’aube. La vie de Sylvin Rubinstein – héros somptueux, juif russe, danseur de flamenco jusqu’à son dernier souffle, inépuisable résistant contre les nazis – s’y raconte dans l’écho d’un jeune danseur en quête d’origine comme de légende.

Les mythes tissent leurs hypothèses

Tous les soirs, à la tombée du jour, au cœur du monde qui se rejoue dans l’arène, les virtuoses du flamenco défient le ciel en lui disputant ses chants intempestifs. Comme une nuit du monde où les mythes tissent leurs hypothèses, Rafaela Carrasco , immense danseuse, chorégraphe, que l’on croirait évadée du tableau Gitane à la cigarette, de Matisse, y dévoile Ariadna, al hilo del mito, écrit par le dramaturge Alavaro Tato. Elle vole sur les pas d’Ariane, figure funeste comme le sont les destinées soumises à l’inconstance fatale des hommes.

De Rafaela Carrasco, il émane une résistance inouïe. On la croirait sortie d’un brasier de rébellion. Elle est plus qu’une apparition, elle est le présage d’un refus comme une utopie qui ne cède rien de sa grâce à la brutalité du monde. Elle soulève l’esprit. Elle est une intelligence en mouvement. Telle Shéhérazade, réussissant à se soustraire d’un destin sans promesse par la parole, elle danse jusqu’à désarmer la violence et le silence. La Gitane embrase Ariane, devenue ombre, et l’entraîne sur des routes où les fantasmes déjouent les désillusions, où la femme invente son épique et méduse tous les hommes.

Inexplicable vertige

Chaque soir, ici, tend à un firmament et avec l’œuvre de Pedro Ricardo Mino  Universo Jondo, même la nuit est remuée. Accompagné par El Choro à la danse et l’ardente cantaora Ananbel Valancia, le pianiste fait surgir cet irréel duende, ce vertige inexplicable, où se brisent les sensations jusqu’alors connues pour nous laisser suspendu dans une commotion inexplorée.

Arte Flamenco est l’asile éphémère de l’art dont il porte le nom. Le flamenco s’y dessine comme un des mondes fragiles, si cher à Antonio Machado, on le regarde « se colorer, de soleil et d’écarlate, voler sous le soleil bleu, trembler soudainement et se disloquer ».

► Arte Flamenco : du 29 juin au 3 juillet, Mont-de-Marsan.

www.humanite.fr

1 06/2021

Goldoni frénésie au Théâtre de Nice | Les Échos- 31_05_21

mardi 1 juin 2021|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: |

Goldoni frénésie au Théâtre de Nice

Le « Feuilleton Goldoni » créé en cette fin de (fausse) saison par Muriel Mayette-Holtz au Théâtre national de Nice est un beau précipité de drôlerie et de mélancolie. En trois fois 1 h 20, « Les Aventures de Zelinda et Lindoro » font un sort à l’amour jaloux, portées par le couple explosif Joséphine de Meaux et Félicien Juttner. Un spectacle à découvrir en tournée à la rentrée.

Lindoro (Félicien Juttner) et Zelinda (Joséphine de Meaux), le patriarche Don Roberto (Charlie Dupont) et son épouse Eleonora (Tania Garbarski). (©Virginie_Lançon)

Par Philippe Chevilley

Publié le 31 mai 2021 à 17:00

Embarquement pour Cythère au Théâtre national de Nice… mais attention, la traversée sera mouvementée. Car c’est l’amour jaloux qui est au centre des « Aventures de Zelinda et Lindoro », le « Feuilleton Goldoni » créé par Muriel Mayette-Holz pour la réouverture de son théâtre (du 20 au 29 mai). Cette trilogie de plus de quatre heures va voyager beaucoup lors de la rentrée prochaine (Paris, Toulouse, Toulon, Liège, Aix, Marseille…) pour la plus grande joie du public. Car, après ces mois de disette théâtrale, la comédie gracieuse et grinçante du maître italien s’avère un parfait remontant. La directrice du TNN a conçu un spectacle rapide, un précipité Goldoni (les pièces ont été judicieusement raccourcies par la traductrice Ginette Herry) qui va crescendo : le premier épisode se décline comme une farce galante ; le deuxième comme un marivaudage cruel ; le troisième comme un vaudeville diabolique à la Feydeau.

Goldoni a écrit cette trilogie en italien en 1764, deux ans après son installation en France. Voilà comme on concevait les sitcoms au XVIIIe siècle : Zelinda, une belle orpheline, et Lindoro, un jeune noble en rupture de ban, s’aiment en secret… Pour être au plus près de sa bien-aimée, femme de chambre chez un généreux patriarche, le garçon s’est fait embaucher comme secrétaire par ce dernier. Malgré de nombreux obstacles et quiproquos (Zelinda est l’objet des convoitises de l’intendant et du fils de la maison), le couple parviendra à convoler en justes noces (épisode 1). Mais pour atteindre la félicité, il lui faudra dompter ses démons : la jalousie maladive de Lindoro (épisode 2) et celle de Zelinda, sur fond de deuil et d’héritage épique (épisode 3).

Noir délire

Muriel Mayette-Holtz dirige sa troupe fringante à un train d’enfer, dans un décor sobre (quelques meubles dont un « canapé freudien », quelques vues de Nice en vidéo…) et des costumes mélangeant allègrement les époques. Le tout est rythmé d’allègres chansons. Partant d’une aimable fantaisie, le spectacle vire peu à peu au noir délire, de plus en plus mordant, surréel et drôle dans les deux derniers épisodes. En couple fusionnel, flirtant avec la dépression et la folie, Joséphine de Meaux et Félicien Juttner sont irrésistibles. Derrière leur passion dévorante, la metteuse en scène orchestre un jeu de caractères assassin (aucun second rôle n’est négligé) où s’exprime toute la palette des sentiments humains.

Mélange ravageur de farce et de mélancolie, ode tendre aux petites gens d’un peuple dont les femmes tiennent les rênes : l’essence du théâtre de Goldoni s’exprime à plein dans ce spectacle généreux qui respire-inspire la joie de revivre enfin.

 FEUILLETON GOLDONI

Théâtre

Mis en scène par Muriel Mayette-Holtz

Vu au Théâtre national de Nice le 29 mai en intégrale.

En tournée  : La Scala Paris (septembre-octobre); Théâtre de la Cité à Toulouse , Théâtre Liberté à Toulon , Théâtre de Liège (octobre); Théâtre du Jeu de Paume à Aix (novembre), La Criée Théâtre National de Marseille (décembre).

Philippe Chevilley

www.lesechos.fr

27 05/2021

Versailles : le Mois Molière aura bien lieu | Le Figaro 27_05_21

jeudi 27 mai 2021|Catégories: Spectacle Vivant|

Du 1er au 30 juin, la 25e édition de la manifestation théâtrale se tiendra dans des lieux «sécurisables», en plein air.

Par Nathalie Simon 

Publié il y a 2 heures, mis à jour il y a 2 heures

27_05_2021

«J’ai hésité avant de lancer cette 25e édition qu’on avait dû annuler en 2020, mais c’est important de reprendre pour le public et les troupes», explique François de Mazières, créateur du Mois Molière à Versailles et maire de la ville. «Il y a un besoin et un malaise des acteurs de n’avoir pas pu jouer, et notre politique est d’aider la création», reprend l’élu. Qui a donc obéi aux impératifs sanitaires, respectant une jauge de 35 % le 9 juin. Dans cinq ou six lieux «sécurisables», en plein air, dont la cour de la Grande Écurie du château, à la place des 45 habituels. «On verra si des assouplissements sont possibles en juin, anticipe-t-il. Les gens viennent souvent en famille. En vingt-cinq ans, les enfants sont devenus de jeunes adultes.»

 Pour les attirer dans la ville royale, François de Mazières a concocté une programmation accessible et pleine de gaîté, notamment avec des compagnies fidèles, comme celle d’Anthony Magnier (L’École des femmes), de Stéphanie Tesson (les Fables de La Fontaine) ou de Nicolas Rigas (La Vie parisienne d’Offenbach). Ou d’autres encore, dont les noms en disent long: les Mauvais Élèves (Entre amis, scènes de voisinage) et les Moutons Noirs (Titanic). «On n’est pas dans un théâtre triste, observe le maire. Ivanov est une pièce sévère, mais elle est montée par Emmanuel Besnault, un jeune talent de 29 ans.»

«L’esprit de troupe»

Autre«talent», Maxime d’Aboville, qui présentera sa nouvelle création,La Révolution, mise en scène par Damien Bricoteaux. «J’ai joué une version allégée pour des lycéens de Saint-Germain-en-Laye. Je devais la donner en janvier au Poche», signale le comédien, qui participe au Mois Molière pour la troisième fois. «Symboliquement, Versailles est un endroit très chargé, avec une population qui a un rapport particulier à cette période de l’histoire. Il y aura un choc potentiel.» Maxime d’Aboville a souhaité traiter cinq ans de l’histoire «sublimée» par Michelet, Alexandre Dumas, Victor Hugo et Lamartine. «Je suis un peu comme le chœur antique qui relate une épopée terrible et fait revivre de grands discours d’éloquence.»

 Lawrence, d’Éric Bouvron, inspiré par le film Lawrence d’Arabie, ou Fin de vie de Molière revue et corrigée, par les facétieux Jean-Paul Farré et Jean-Jacques Moreau, devraient aussi trouver le succès. «J’ai écrit cette lecture il y a trois ans et je l’ai retravaillée», précise le premier, heureux d’étrenner la cour de la Grande Écurie. François de Mazières met par ailleurs toujours en avant l’«esprit de troupe» – Versailles en accueille une dizaine en résidence à l’année – à travers des créations souvent reprises dans le Off d’Avignon. Ainsi, Badine!, d’après On ne badine pas avec l’amour, d’Alfred de Musset, porté avec une distribution d’envergure, et La Folle de Chaillot, de Jean Giraudoux, façon commedia dell’arte.

Réservation en ligne indispensable: www.moismoliere.com