Spectacle Vivant

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15 12/2020

À l’Atelier, Jacques Weber et François Morel font de la résistance | Le Figaro – 14_12_20

mardi 15 décembre 2020|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: |

Derrière les portes du théâtre, les comédiens tournent Cyrano. Ils s’interrompent ce soir pour exprimer sur la place Charles-Dullin leur colère devant la fermeture imposée.

Par Philibert Humm

Publié hier à 17 :32, mis à jour hier à 17:44

 

« Nous ne sommes pas des rebelles. Nous ne sommes pas des révolutionnaires. Nous ne sommes pas des agitateurs. Nous ne sommes pas fous, nous ne sommes pas inconscients. (…) Nous demandons juste à être traités avec respect, intelligence et discernement.»

 

Ainsi parle Marc Lesage, directeur du Théâtre de l’Atelier. Ce soir, à l’heure même où son théâtre aurait dû rouvrir ses portes, il sera sur le trottoir, place Charles-Dullin, en compagnie de Jacques Weber, François Morel, Audrey Bonnet et quelques autres.

 

Ni armes, ni haine, ni banderoles vindicatives, seulement l’impérieuse nécessité d’exprimer «leur dégoût et leur colère». Leur écœurement aussi de savoir les grandes surfaces bondées et les consommateurs «stimulés à coups de Black Friday» tandis que les strapontins des salles de spectacle prennent la poussière.

 

Nous demandons juste à être traités avec respect, intelligence et discernement

Marc Lesage, directeur du Théâtre de l’Atelier

 

Sur la façade de l’Atelier, l’affiche du dernier spectacle de Jacques Weber commence à gondoler. Trois Farces d’Anton Tchekhov montées par Peter Stein que l’acteur était censé reprendre aujourd’hui.

 

La pièce a été successivement suspendue, reportée, interrompue, programmée, déprogrammée au gré des annonces gouvernementales.

 

Weber, qui a passé l’âge de se raconter des histoires, sait que le spectacle est d’ores et déjà tué dans l’œuf. Ses farces ne reprendront sans doute jamais, sacrifiées sur l’autel de la pandémie. Alors il a fallu improviser. Et à ce jeu-là, le comédien n’est pas le dernier.

Un tournage en un claquement de doigts

Dans l’esprit de l’école des Buttes Chaumont qui portait autrefois le théâtre au petit écran, Weber s’est proposé de venir au spectateur qui ne pouvait venir à lui. Michel Field, le directeur des programmes culturels de France Télévisions n’a pas mis longtemps à marcher dans la combine. Marc Lesage non plus. Ainsi a-t-on tourné cet été Atelier Vania, une mise en scène originale de l’œuvre qui sera diffusée dans le courant du mois de janvier. Un confinement plus tard, au tour de Cyrano d’être mis sur le métier.

 «À la télévision, soit on tourne en trois ans, soit en un claquement de doigts», tranche Weber, qui a préféré en la circonstance claquer des doigts. Sous la houlette du réalisateur Serge Khalfon, trois caméras grand capteurs ont été mobilisées dans le Théâtre de l’Atelier. Il s’agit d’aller vite car les délais sont serrés: trois semaines de répétition pour six jours de tournage.

Vendredi se jouait la tirade des «Non merci»: «Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite/ Bref, dédaignant d’être le lierre parasite/ Lors même qu’on n’est pas le chêne ou le tilleul/ Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul!»

Le rôle-titre revient à François Morel, sans faux nez ni costume. Sans décor non plus. Comme pour le Vania, les accessoires ont été réduits au minimum. Les comédiens jouent dans leurs vêtements de ville et les différents espaces du théâtre suffisent à planter les actes. Un fatras de fauteuils d’orchestre figure la bataille d’Arras et la scène du balcon se joue… au balcon.

Printemps prochain

« Au théâtre, dans les dernières répétitions, explique Jacques Weber, quand les acteurs sont encore en liberté, il se passe parfois des choses merveilleuses, très décontractées. Des instants de grâce auquel le public a rarement l’occasion d’assister. C’est cette essence-là que nous avons essayé de capter. Ce jeu nu, tel qu’on le retrouve chez Pialat, l’un de mes maîtres.» Quand les acteurs sont encore en liberté, il se passe parfois des choses merveilleuses, très décontractées. Des instants de grâce auquel le public a rarement l’occasion d’assister.

Jacques Weber

Les grands arias d’Edmond Rostand sont mis en majesté et certains morceaux musicalisés. Comme chaque fois qu’il en a l’occasion, Morel, accompagné au piano par son complice Antoine Sahler, fait entendre qu’il a du coffre. Audrey Bonnet en Roxane et Arnaud Charrin en Christian complètent la distribution. Trois semaines de montage suivront, quatre jours d’étalonnage et deux de mixage pour un résultat visible dès le printemps prochain.

En attendant, les tilleuls de la place Charles-Dullin ont fini de perdre leurs feuilles. Sans ses terrasses, sans son théâtre, sans ses spectateurs, l’endroit ne se ressemble plus. «Ce soir pourtant, promet Marc Lesage, nous ferons résonner l’art et la culture par la parole des artistes, avec dignité et responsabilité, pour combattre l’absurdité des mesures prises par ce gouvernement.» Les parisiens sont invités à les rejoindre, masqués comme de bien entendu. Depuis le premier jour, les théâtres se défendent d’avoir jamais compté parmi les foyers de contamination. Le Théâtre de l’Atelier serait plutôt un foyer de résistance. Une résistance qu’on aimerait plus contagieuse encore.

Ce 15 décembre à 18 h 30, rassemblement devant le Théâtre de l’Atelier, place Charles-Dullin à Paris (18e).

21 10/2020

Théâtre. Ruthy Scetbon, la clowne qui dansait avec son balai | L’Humanité | 21-10-20

mercredi 21 octobre 2020|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: |

 

Mercredi 21 Octobre 2020

Gérald Rossi

Ruthy Scetbon propose à Paris son premier spectacle, Perte. L’aventure d’une femme de ménage qui nettoie la scène du théâtre et découvre que le public est dans la salle… C’est bien vu, drôle, et poétique.

D’abord, elle ne se doute de rien. Comme chaque soir, quand les comédiens sont rentrés chez eux, et que le public est lui aussi parti rejoindre ses pénates, la jeune femme entame sa mission. Celle de nettoyer la scène. Sauf que, cette fois, elle découvre que le public n’est pas parti, qu’il est dans la salle et qu’il la regarde. De quoi en effrayer plus d’un/une. Mais pas quand il s’agit d’une clowne. Au contraire.

D’abord avec peu de mots, des regards timides, des gestes esquissés, la femme de ménage entame un ballet avec son balai et un dialogue avec le public. Ce spectacle réjouissant, qui se déroule dans la toute nouvelle petite salle de la Scala, à Paris, avait une histoire avant de débuter, à l’heure de la réouverture des théâtres (malmenés par la crise sanitaire). Car la jeune clowne Ruthy Scetbon, afin de payer ses cours de la célèbre école Jacques Lecocq, a travaillé comme ouvreuse dans cette même Scala. Ce qu’elle évoque d’ailleurs dans Perte, écrit avec Mitch Riley, qui en assure aussi la mise en scène.

La vie rêvée des objets

Prenant petit à petit de l’assurance, la jeune femme au nez rouge entreprend de détailler comment elle procède, chorégraphie les mouvements de son grand balai, échafaude une théorie sur la poussière qu’elle expertise, tout comme elle imagine la vie passée des objets trouvés dans la salle. Et voilà des manteaux, une chaussure et même une jupe à paillettes dorées ayant appartenu à une danseuse.

Et le récit bifurque encore. Que sont devenus les propriétaires de ces objets délaissés ? Sont-ils morts ? Les ont-ils oubliés ? Avec autant d’humour que de poésie, Ruthy Scetbon campe ce personnage imprévu à qui il appartient de mettre ensuite la scène en veille, chaque soir, stoppant tous les rêves en branchant la Servante. Laquelle restera seul point de lumière jusqu’au lendemain. C’est touchant et c’est aussi très drôle, les fous rires qui se déclenchent certains soirs en témoignent.

Crédit photo : Chloé Tocabens

La Perte, à la Scala, 13 boulevard de Strasbourg, Paris 10e. À 18h30, les jeudis et vendredis, jusqu’au 30 octobre ; puis les mardis et mercredis à partir du 3 novembre. Téléphone : 01 40 03 44 30 et www.lascala-paris.com

21 10/2020

OUVERTURE DE LA PICCOLA SCALA | Le Monde – 21-10-20

mercredi 21 octobre 2020|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: |

Avec l’humoriste Jason Brokerss, le stand-up entre à La Scala

Une nouvelle salle de 180 places, La Piccola Scala, réservée aux talents émergents, vient d’ouvrir à Paris.

Par Sandrine Blanchard  Publié aujourd’hui à 10h42

La Piccola Scala, une nouvelle salle réservée aux talents émergents à Paris. ALEXEI VASSILIEV

Il faut avoir une bonne dose d’optimisme pour ouvrir à Paris, en cette rentrée plombée par le Covid-19, une nouvelle salle de spectacle de 180 places. « A la sortie de cette crise sanitaire, qui fait suite à celles, sociales, des “gilets jaunes” puis des grèves contre la réforme des retraites, on sera indestructibles », veut croire Frédéric Biessy, directeur du théâtre La Scala. Refusant d’être « tétanisé » par cette rentrée cataclysmique pour le secteur culturel, il a maintenu le lancement de La Piccola Scala, un nouveau lieu niché sous la grande Scala de 500 places.

 « Je n’ai pas joué depuis mi-mars, je fais ma première le 15 octobre et le 17, c’est couvre-feu. Je suis le roi du timing ! », plaisante l’humoriste Jason Brokerss, qui inaugure ce petit amphithéâtre où le public, installé en arc de cercle, est au plus proche de l’artiste. Par sa configuration, cette Piccola Scala fait penser, en plus petit, à la salle de L’Européen, l’un des hauts lieux parisiens du stand-up. C’est d’ailleurs une petite bande de stand-upeurs, Fary, Panayotis Pascot et Jason Brokerss, qui a conseillé au directeur d’aménager le lieu en amphithéâtre. « J’étais allé découvrir le nouveau comedy club de Fary, Madame Sarfati, et je leur ai proposé de passer à La Scala car on galérait sur l’agencement de la nouvelle salle, raconte Frédéric Biessy. Et leur idée a été la bonne. »

Avec La Piccola Scala, le stand-up fait son entrée à La Scala. « Ces jeunes humoristes collent au plus près de la société. Ce ne sont pas seulement des stand-upeurs mais des auteurs dotés d’une grande curiosité », considère le directeur. Ce n’est pas le premier théâtre parisien qui ouvre ses portes à ce genre d’humour. Le Théâtre de l’Œuvre ou l’Edouard VII (où Haroun s’est produit l’hiver dernier), pour ne citer qu’eux, multiplient les propositions de one-man-show.

« Provoquer des rencontres »

« Cela me plaît de brasser les genres et je n’avais pas encore tenté cet univers », justifie Frédéric Biessy en jurant que ce choix n’est pas dicté par des considérations économiques. Pas de décor, juste un comédien et un micro, il n’y a pas plus léger qu’un plateau de stand-up. « Si c’était pour des raisons financières, je l’aurais programmé dans la grande salle », se défend le directeur.

En découvrant, en février, le spectacle de Jason Brokerss au Musée de l’homme (dans le cadre de l’opération Paris face cachée),  suivi d’une discussion sur le racisme avec l’anthropologue Evelyne Heyer, Frédéric Biessy a été, dit-il, « fasciné » par ces regards croisés. La Piccola Scala « sera réservée aux talents émergents et à de nouveaux univers, en danse, musique, théâtre, etc. J’ai envie de provoquer des rencontres, par exemple entre humour et philosophie », poursuit-il, en rêvant d’un échange entre Jason Brokerss et la philosophe Cynthia Fleury.

L’humoriste Jason Brokerss à La Scala à Paris, en juin 2020. LAMBERT DAVIS

Intitulé 21e seconde – « parce que, quand tu rencontres quelqu’un pour la première fois, inconsciemment, en vingt secondes, cette personne se fait un avis sur toi et décide si tu es quelqu’un de bien ou pas » –, le spectacle de Jason Brokerss interroge les préjugés et le vivre-ensemble. A 34 ans, cet artiste musulman, au crâne rasé et à la longue barbe noire, sait prendre du recul sur ce que son physique inspire et parle mieux que personne des contrôles au faciès.

Avec un mélange d’autodérision et de bienveillance, il aborde avec aisance aussi bien le quotidien des usagers des bus low cost que les tourments du mariage ou les grands bonheurs et petites angoisses de la paternité. Ses thématiques ne sont pas d’une grande originalité mais son personnage est attachant et ses vannes savoureuses. « Pour la première fois, avec ce spectacle, les habitants de Strasbourg-Saint-Denis, le quartier du théâtre, entrent dans La Scala », se réjouit Frédéric Biessy en découvrant le public jeune et bigarré de Jason Brokerss.

21e seconde, de et avec Jason Brokerss, mise en scène : Fary. A La Piccola Scala,  13, boulevard de Strasbourg, Paris 10e. Jusqu’au 15 novembre, les samedis à 16 h 30 et à 18 h 30, et les dimanches à 18 h 30.

Sandrine Blanchard 

www.lemonde.fr

20 10/2020

EMBRASE MOI – Kaori ITO | Télérama 19-10-20

mardi 20 octobre 2020|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: |

Avec “Embrase-moi”, Kaori Ito danse l’amour de façon crue mais pas scabreuse

Emmanuelle Bouchez,

Publié le 19/10/20

Kaori Ito. Depuis une dizaine d’années, l’artiste japonaise installée en France convie toutes sortes de complices dans ses spectacles, comme son père, ou cette fois, son compagnon.

Grégory Batardon

Au Théâtre de La Scala à partir du 20 octobre, la danseuse et chorégraphe japonaise dévoile un journal intime écrit à deux voix avec son compagnon circassien Théo Touvet.

Cet automne est celui de la danseuse et chorégraphe Kaori Ito. Au milieu d’un calendrier chargé de créations récentes (Le Tambour de soie, nô inspiré de Mishima présenté fin octobre à Avignon, ou Chers, recherche sur le thème des ancêtres, présenté début novembre au Centquatre à Paris), se glisse un délicieux intermède : Embrase-moi. Ce journal intime écrit à deux voix est à saisir à la volée, à partir du 20 octobre lors de séances qui s’égrènent jusqu’en janvier 2020, à Paris et ailleurs.

Une performance intense

Depuis une dizaine d’années, l’artiste japonaise installée en France, formée au classique comme à l’école américaine d’Alvin Ailey, a convié toutes sortes de complices, dont son père sculpteur, avec qui elle s’était réconciliée sur scène il y a cinq ans. En 2017, elle a imaginé Embrase-moi, avec son compagnon Théo Touvet, comédien-circassien spécialiste de la roue Cyr passé par le Centre national des arts du cirque, et ingénieur climatologue dans une autre vie. Ce marathon en plusieurs phases commence à la manière d’un pari et finit en performance intense mettant en scène l’amour tel qu’on ne l’a jamais vu. Le couple y célèbre sa rencontre comme une fête drôle et grave à la fois. La première période divise le public en deux. Un groupe suit Kaori, l’autre Théo, avant de se retrouver pour le final où les deux artistes croisent leurs âmes, leur corps et leurs disciplines. Côté Kaori, on fait salon : elle se tient assise entre deux lampadaires, invite le public à poser toutes les questions possibles au fur et à mesure de ses confidences. « UnCV amoureux », rit-elle avant de décliner ses émotions sensuelles et de décrire — anonymement — les garçons avec qui elle a couché en s’amusant des nationalités, des âges ou des préférences. Elle réussit à être crue sans se montrer scabreuse et intègre, avec humour dans son discours, ses attentes comme ses déceptions. Quand les questions du public débordent sur Théo, elle les rejette d’un « vous verrez bien tout à l’heure… ».Si elle évoque leur partition en parallèle, on n’aura pas pour autant celle de Théo. Car on n’a pas moyen d’assister aux deux versions de l’histoire. Dommage !

Changement de salle. Le public se retrouve autour d’un carré central, où, sur le sol blanc, gît un grand cercle : la roue Cyr de Théo. Elle entre, il la suit. Il fait deux têtes de plus qu’elle : il est l’athlète, elle est la danseuse. Ils se regardent et s’épient. Parade d’amour ou duel, quand elle danse autour de lui, quand ils s’affrontent doucement et prennent conscience du corps de l’autre ? Phrases à l’emporte-pièce de Kaori tournant le dos à Théo : « Tu as toujours raison, c’est ça ? » Traduction de celui-ci : « J’ai du mal à accepter que tu aies un autre point de vue que moi ! » Mais les armes sont bientôt déposées. Ils se dévêtissent en même temps, lentement, et dévoilent non sans courage leur nudité dans une lumière claire. Le sérieux l’emporte sur une quelconque dérive équivoque et l’amour, dans ce qu’il a d’absolu, sur un érotisme de circonstance. Ils offrent un ballet de portés acrobatiques fluides où elle se retrouve suspendue, confiante, comme une liane autour de son corps à lui, si solide. Théo a les joues rougies, les yeux d’un bleu intense. Kaori, l’œil noir perçant, dénoue sa longue chevelure. Commence alors la plus étonnante des cérémonies : un voyage de quelques tours ensemble, serrés dans la roue Cyr. Le couple à l’intérieur de l’anneau, tels des amants éternels…

À voir Embrase-moi, de Kaori Ito et Théo Touvet, le 20 octobre à 18h30 ; le 24 novembre à 18h30au Théâtre de La Scala, Paris 10e ;  les 7 et 8 janvier, à L’Hexagone, à Meylan (38).

Kaori Ito, et après quoi ?, lundi 23 novembre à 18h30 et lundi 7 décembre à 18h30, au Théâtre de La Scala, Paris 10e.

Le Tambour de soie, de Kaori Ito et Yoshi Oïda, du 23 au 26 octobre à La Semaine d’art du Festival d’Avignon (84) ; les 29 et 30 octobre à 19h, le 31 octobre à 15h et 19h, le 1er novembre à 15h, au Théâtre de la Ville/Espace Cardin, Paris 8e ; les 17 et 18 décembre à La Maison de la culture, Amiens (80)…

Chers, de Kaori Ito, du 4 au 7 novembre, au Centquatre, Paris 19e ; les 10 et 11 novembre, au Festival TNB // Le Triangle, à Rennes (35) ; le 20 novembre au Théâtre de Châtillon (92) ;
du 26 au 28 novembre, à la Maison des arts et de la culture de Créteil (94) ; le 5
décembre à L’Octogone, à Pully (Suisse) ; le 16 décembre, au Théâtre du fil de l’eau, à Pantin (93)…

15 10/2020

La purge bienfaisante d’Emeline Bayart | les Echos14-10-2

jeudi 15 octobre 2020|Catégories: Spectacle Vivant|

CRITIQUE

La comédienne confirme son génie comique dans « On purge bébé », qu’elle joue, met en scène – et en chansons – au Théâtre de L’Atelier. Sans écraser ses partenaires, elle fait des étincelles en mégère survoltée et transforme le vaudeville de Feydeau en joyeux cauchemar.

Julie Follavoine (Emeline Bayart), Chouilloux (Manuel Le lièvre) et Bastien Follavoine (Eric Prat).
Julie Follavoine (Emeline Bayart), Chouilloux (Manuel Le lièvre) et Bastien Follavoine (Eric Prat). (v Caroline Moreau)
Publié le 14 oct. 2020 à 15:52

Une présence inouïe, un humour dévastateur mix de Jacqueline Maillan et de Valérie Lemercier, le tout enrichi d’une solide expérience du théâtre public (sous la férule de Christophe Rauck, Denis Podalydès ou Clément Poirée) : Emeline Bayart s’affirme comme une des grandes actrices comiques de notre époque. Elle connaît ses classiques, sait de plus chanter… et mettre en scène – comme le démontre sa version au vitriol du vaudeville de Feydeau « On purge bébé » (1910), créée au Théâtre Montansier de Versailles et désormais à l’affiche du Théâtre de l’Atelier à Paris.

Celle qui fut Bécassine à l’écran fait des étincelles dans le rôle de Julie Follavoine, qui s’escrime à faire absorber un purgatif à Toto, son petit diable de 7 ans, tandis que son mari, fabricant de porcelaine, tente de vendre ses pots de chambre à un fonctionnaire du ministère de la Guerre dénommé Chouilloux. Emeline Bayart met de la démesure dans son personnage de mégère obsessionnelle, mais elle n’écrase pas pour autant ses principaux partenaires – Eric Prat (Bastien Follavoine), Manuel Le Lièvre (Chouilloux) et Valentine Alaqui (Toto et la bonne), tous trois excellents. Plutôt que tirer le fil scatologique et un brin trash de la pièce, elle pousse la satire du couple bourgeois, voulue par Feydeau, jusqu’à la transe cauchemardesque.

Accents de cabaret

La farce est d’autant plus intense qu’elle est musicale – ponctuée de chansons Belle Epoque, volontiers grivoises et grinçantes, finement choisies par la metteure en scène. Accompagnés du pianiste Manuel Peskine, les comédiens s’en donnent à coeur joie. C’est bien sûr Emeline Bayart, dotée d’un joli vibrato, qui donne le « la ». Son interprétation mutine de « Ca ne vaut pas la tour Eiffel » (crée en 1900 par Marguerite Daval) en guise de prologue est un délice.

ON PURGE BÉBÉ

Théâtre

de Georges Feydeau

Mise en scène d’Emeline Bayart

Paris, Théâtre de l’Atelier, 01 46 06 49 24

A 19 h 00. Durée : 1 h 20

Philippe Chevilley

www.lesechos.fr

15 10/2020

Un petit amphithéâtre, mais de grandes ambitions pour la Piccola Scala | Le Figaro 14-10-20

jeudi 15 octobre 2020|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: |

 

À Paris, la Scala a inauguré une salle de 200 places dédiée à la création et à la prise de risque artistique. Un pari qui ne manque pas de sel.

Par Philibert Humm

Publié hier à 18:04, mis à jour hier à 18:20

La Piccola Scala sera dédiée à la création, à l’émergence et à la prise de risque. Alexei Vassiliev/La Scala

De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace et les théâtres seront peut-être sauvés. Tandis que la plupart des directeurs de salle de spectacle craignent le pire, Frédéric Biessy, qui dirige la Scala sur les boulevards parisiens, inaugure une nouvelle salle. Petite, certes, – moins de 200 places – mais une salle tout de même.

Nous avons fermé six mois et on a résisté. Nous n’avons plus peur

Frédéric Biessy, directeur de la Scala

La Piccola Scala, située huit mètres et quarante marches sous le niveau du sol, vient d’être livrée. Elle sent encore la peinture et l’acoustique reste à revoir. Plus préoccupant, à l’heure où nous écrivons ces lignes, nous ne savons pas si elle sera autorisée à recevoir du public. On fait dans le doute comme si de rien n’était. Les programmes ont été imprimés et distribués aux journalistes. La Piccola sera dédiée à la création, à l’émergence, à la prise de risque.

S’agit-il en la circonstance d’audace ou d’inconscience? Les deux mon capitaine, répond tout feu tout flamme Frédéric Biessy. «Avez-vous entendu parler d’un seul théâtre privé ayant déposé le bilan? Pour l’instant non, nous tenons. Grâce aux aides d’une part – il faut le reconnaître – et grâce au public d’autre part, qui répond présent pour autant qu’on le lui permette. Nous avons fermé six mois et on a résisté. Nous n’avons plus peur

Programmation musicale

Mercredi matin, boulevard de Strasbourg, ont répondu présent Jason Brokerss, stand-upper qui essuiera les plâtres de la Piccola, et quelques autres jeunes auteurs. Rodolphe Bruneau-Boulmier est là lui aussi, qui assure la programmation musicale. Les 13 de chaque mois, un ou une concertiste donnera ici un récital. Ce 13 octobre, Josquin Otal ouvrait la danse en interprétant Brahms, Ravel, Rachmaninov et Thomas Adès.

« Nous demandons aux musiciens d’incorporer à leur programme au moins un compositeur vivant. C’est la seule et unique contrainte imposée.» Dans ce petit amphithéâtre de bois, le public disposé en arc de cercle se retrouve à quelques mètres à peine du musicien. Un piano a été pour l’occasion affrété de Hambourg. «Le grand-queue de la grande salle ne convenait pas, explique Bruneau-Boulmier. Trop puissant. C’aurait été faire rouler une Ferrari sur un chemin de terre…»

Ce genre d’endroits manquait à Paris. Les spectateurs n’attendent que ça

Frédéric Biessy, directeur de la Scala

Frédéric Biessy, en ce qui le concerne, n’est pas peu fier de son chemin de terre. Comédiens, penseurs, compositeurs, humoristes, philosophes… à l’entendre, la Piccola sera le sillon où germeront les futurs grands. « Ce genre d’endroits manquait à Paris. Les spectateurs n’attendent que ça.» Il y a décidemment chez cet homme de l’espoir. Et comme dit l’autre, où il y a de l’espoir, il y a de la vie.

La Scala, 13 boulevard de Strasbourg (Paris 10e).

www.lefigaro.fr

 

11 08/2020

 Concerts d’été au Festival Lyrique-en-Mer – Belle-Ile-en-mer | 11-08-20

mardi 11 août 2020|Catégories: Spectacle Vivant|

Isola lyrica
Par Tania Bracq | mar 11 Août 2020 |

« Il était inenvisageable de ne pas proposer d’édition 2020 du festival Lyrique-en-Mer » martèle Marie-Françoise Morvan, la présidente du festival. « Les conditions en sont inédites, très contraintes, mais nous avons la chance de pouvoir proposer cinq programmes originaux, cet été à Belle-Ile ». Nous avons pu assister à trois de ces soirées:

À deux pas de la mer qu’on entend bourdonner,
Je sais un coin perdu de la terre bretonne
Où j’aurais tant aimé, pendant les jours d’automne,
Chère, à vous emmener !… 

Cet extrait de « Paysage » d’André Theuriet aurait pu servir de point de départ au programme Reynaldo Hahn, évocation musicale de l’été 1912, imaginé par Philip Walsh, le directeur artistique pour la soirée d’ouverture du festival. Tous les adeptes de Belle-Ile le savent, la Chère – Sarah Bernhardt – en fut une prestigieuse estivante qui investit avec bonheur la Pointe des Poulains où elle accueillit ses intimes, dont le brillant compositeur.

Fabienne Marsaudon, venue en voisine, a crocheté un bien joli patchwork de textes à partir de la correspondance des artistes afin d’articuler une proposition généreuse de dix-neuf mélodies, exercice d’endurance pour la vaillante soprano Jazmin Black -Grollemund qui relève le défi avec grâce et sensibilité, une grande justesse dans l’émotion, soutenue par l’accompagnement attentif, plein de délicatesse et d’esprit de Philip Walsh. L’artiste américaine avait découvert la Bretagne lors d’une académie d’été du festival qui accueille chaque été de jeunes artistes venus d’outre-Atlantique ; elle n’est jamais repartie et se trouve particulièrement bien placée pour vanter les charmes de l’île d’autant plus qu’elle profite de beaux graves charnus dignes d’une mezzo, de pianis raffinés, d’un joli legato même si elle a tendance à détimbrer ses médiums dans ce répertoire. Mention spéciale pour « A Chloris », pour le « tango Habarena sous l’oranger »  ainsi que pour « Paysage ».

Michael Martin-Badier prête sa voix à l’épistolier Reynaldo Hahn et évoque avec autant de retenue que de finesse la beauté de l’île, les promenades à pied ou en bateau, les soirées pluvieuses au coin du feu ou encore les somptueux couchers de soleil. S’installe alors un effet d’écho assez délicieux entre les silhouettes évoquées (Reynaldo Hahn, Sarah Bernhardt mais également Marcel Proust, Catulle Mendes ou encore Sacha Guitry et Yvonne Printemps), les trois artistes sur scène et enfin le public qui, tous, résident à Belle-Ile et connaissent parfaitement les lieux et les moments décrits.

C’est une Jazmin Black Grollemund rayonnante que nous retrouvons dans le cadre prestigieux de la citadelle pour incarner avec toujours autant d’intelligence expressive, Mimi, Chimène et – plus inattendu mais parfaitement réussi – Carmen. Cette soirée de Gala réunit six artistes lyriques, tous passés par l’académie du festival, autour du piano sensible de David Jackson au toucher rond et généreux. Les jeunes pousses prometteuses, sont désormais des professionnels confirmés. Les « hits » du lyriques se succèdent, que le public retrouve avec le plaisir d’une madeleine après tant de mois de sevrage musical.

Andrew Nolen est un formidable Leporello qui mâtine son catalogue d’un soupçon d’espièglerie. Comédien jusqu’au bout des ongles, il fait tant que « la piccina » semble vraiment là, face à nous. Son timbre rond et sensuel s’enrichit de mille nuances que l’on retrouve dans un somptueux extrait de Macbeth (« Come dal ciel precipita », Verdi, rôle de Banco).

Le tout jeune ténor Jean Miannay ravit par une émission claire et rayonnante, joliment ancrée et une présence pleine d’innocence qui donne beaucoup de fraîcheur à son Don Ottavio (Don Giovanni de Mozart, « Dalla sua pace ») et une émotion singulière au « Kuda, Kuda » de Lensky dans Eugène Onéguine.

Les deux hommes sont entourés de quatre femmes aux tempéraments aussi différents que brillants, choisies, elles aussi par Philip Walsh avec le talent qu’on lui connaît.

Eléonor Gagey, qui a découvert le chant lyrique enfant, au festival, est une magnifique Cenerentola (« Nacqui all’affanno e al pianto », Rossini). L’unité des registres est remarquable, tout comme la richesse des harmonies qui fait également merveille dans le rôle de Sesto (« Parto, parto », la Clémence de Titus de Mozart) où la redoutable vocaliste fait montre alors de beaucoup de sensibilité.

Les vocalises sont également simples formalités pour Louise Pingeot et Lauren Urquhart qui « coloraturent » à étourdir. La première ouvre le bal d’un « Salut à la France » (la fille du régiment de Donizetti) qui résonne comme une invitation à renouer avec le bonheur de la musique « live » après tant de mois de streaming imposé. Elle relève surtout le défi de nous faire entrer dans l’âme d’une Ophélie déboussolée (« à vos jeux mes amis », Hamlet d’Ambroise Thomas), avec une émission d’un grand naturel, des aigus glorieux et une diction impeccable tout au long de cet air si exigeant.

La seconde impose avec Linda di Chamounix (« O luce di quest’anima », Donizetti) l’évidence d’une projection tout en brillant et en lumière avant de clore la soirée en Musetta (La Bohème, Puccini), un rôle qui va comme un gant à sa présence mutine.

Le lendemain, David Jackson triple sa casquette de chef de chant accompagnateur de celle de concepteur d’une belle Schubertiade qui associe le compositeur viennois et ses successeurs admiratifs, de Louise Farrenc à Brahms en passant par Schumann. Autour du piano et d’un quintette à cordes de belle tenue, certains chanteurs sont moins à l’aise que dans le répertoire de la veille. On retiendra toutefois le poignant «Dicheterliebe (Schumann) de Jean Mianney ; les intenses « Doppelgänger » et « Der Tod und das Mädchen » (Schubert) d’Andrew Nolen ; les belles qualités de musicienne de Lauren Urquhart dans « Oh quand je dors » (Liszt) et accompagnée au violon par Nemanja Ljubinkovic pour « Der Hirt auf dem Felsen » (Schubert).

Un concert de musique sacrée en église ainsi qu’une programme jeune public commémorant les 250 ans de la naissance de Beethoven complètent cette programmation « covid compatible » à applaudir jusqu’à la mi-août.

6 08/2020

jeudi 6 août 2020|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: |

par Laurent Goumarre

LE MAG DE L’ÉTÉ : HTTPS://WWW.FRANCEINTER.FR/EMISSIONS/LE-MAG-DE-L-ETE/LE-MAG-DE-L-ETE-04-AOUT-2020

On rêve au théâtre, avec Macha Makeïeff Macha Makeïeff a donné rendez-vous à Laurent Goumarre au Théâtre National de Marseille La Criée, dont elle est la directrice depuis presque 10 ans. Cet été, elle est à l’initiative du projet estival Rêvons au Théâtre, destiné tout particulièrement à la jeunesse marseillaise.

La metteuse en scène Macha Makeieff au Théâtre de La Criée, Marseille, novembre 2018 © AFP / Gerard Julien

L’invitée : la metteuse en scène et directrice du Théâtre National de Marseille Macha Makeïeff

Macha Makeïeff est metteuse en scène, mais aussi créatrice de décors et de costumes. Et depuis le 1er juillet 2011, elle est directrice du Théâtre National de Marseille, La Criée. Elle est actuellement à l’initiative du projet estival Rêvons au Théâtre, tourné vers la jeunesse marseillaise, qui depuis le début du mois de juin a accueilli plus de 1100 participants, 106 ateliers, 21 structures du champ social, 7 établissements scolaires partenaires et 19 solos de danse.

Macha Makeïeff vient également de créer les costumes du spectacle Le Jeu des Ombres de Valère Novarina dans une mise en scène de Jean Bellorini. Le spectacle devait être initialement créé au Festival d’Avignon 2020. Les répétitions ont eu lieu au TNP Villeurbanne, et viennent de se terminer. Le spectacle a été capté et diffusé samedi 25 juillet à 23h20 sur France 5, et disponible depuis en replay.

Enfin, elle prépare un quatrième opus des Âmes offensées pour la saison prochaine avec Philippe Geslin, ainsi que son prochain spectacle, prévu à l’automne 2021.

La rencontre trois étoiles du chef Gérald Passédat

Laurent Goumarre tend son micro à Gérald Passédat du restaurant Le Petit Nice à Marseille, trois étoiles au Guide Michelin depuis 2008. C’est dans la mer toute proche que le chef puise ses ingrédients et son inspiration.

Le journal de la culture du mardi 4 août 2020

  • Ouverture hier de la courte saison de concerts d’été à Belle-Ile-en-Mer, avec le festival Lyrique en Mer.22ème été de musique baroque, de musique de chambre et de musique sacrée, jusqu’à lundi prochain dans le Morbihan.
  • La Collection Lambert fête ses 20 ans, et le galleriste-collectionneur Yvon Lambert en profite pour entamer un nouveau dialogue avec ses artistes phares, dans ce qui s’apparente finalement à un panorama de l’art contemporain depuis les années 1970. L’exposition est à découvrir jusqu’au 15 novembre à Avignon.

La programmation musicale

  • Cyril Cyril – Les gens 
  • Jorja Smith – Kiss me in the morning 
  • Lou Reed – Walk on the wild side

Les invités

  • Macha Makeieff Metteur en scène, scénographe et directrice du théâtre de La Criée
21 07/2020

Le Théâtre 14 offre à Paris son propre festival Off d’Avignon | le Figaro – 17-07-20

mardi 21 juillet 2020|Catégories: Spectacle Vivant|

 

Du 13 au 18 juillet, la scène parisienne a accueilli quinze propositions théâtrales, dont la plupart devaient être jouées dans la Cité des papes. Nous avons assisté à cet événement rassemblant professionnels, passionnés et novices.

Par Maud Cazabet

Publié il y a 6 heures, mis à jour il y a 4 heures

Le Paris Off Festival propose des spectacles variés, des clowneries de Bif Tek (ci-dessus), aux pièces plus littéraires comme L’Ordre du jour, réactions en chaîne, adapté du roman d’Éric Vuillard. Paris Off Festival

Il souffle comme un air d’Avignon au cœur du 14e arrondissement. À 9 h 30, ce vendredi 17 juillet, des rires enfantins fusent dans la salle, quasiment pleine du Théâtre 14. Des dizaines de petites têtes s’élèvent des fauteuils rouges pour interpeller les deux jeunes comédiennes de Bif Tek«C’est un pur bonheur de voir les enfants réagir avec autant d’enthousiasme à notre création après des semaines passées sans jouer et à s’inquiéter pour la suite», sourit Évangélia Pruvot, co-metteur en scène de la pièce pour jeune public.

Au premier rang, Lola, 9 ans, est venue accompagnée de sa grand-mère découvrir ce spectacle de clowns reprenant les codes du cirque traditionnel. «D’habitude on va au Festival d’Avignon l’été, mais cette année c’est à Paris», commence la fillette avant que sa grand-mère ne lui explique que les deux festivals sont bien différents.

Les affiches colorées des spectacles programmés, se balançant au vent, sont pourtant bien un clin d’œil à la Cité des papes. Elles trônent au cœur du village Paradol, espace de rencontre installé entre les deux lieux de représentation, le Théâtre 14 et le Gymnase Auguste Renoir, «notre Cour d’honneur, cédée par la mairie», plaisantent Mathieu Touzet et Édouard Chapot, nouveaux directeurs des lieux. Éprouvés par l’organisation en temps réduit du festival, ces jeunes passionnés peuvent se féliciter d’avoir relancé la machine théâtrale et fait résonner les trois coups dans le sud de la capitale.

Un festival «laboratoire» en temps de crise

Le Paris Off Festival est né dans la tête des deux directeurs à l’annonce de l’annulation d’Avignon, qui constitue pour beaucoup de compagnies de théâtre l’événement de l’année. Il détermine souvent le futur d’une pièce et d’une troupe. «Il y avait urgence à répondre à la détresse des compagnies qui s’étaient investies pendant des mois pour jouer à Avignon. Et l’on est fiers du résultat», confie Édouard Chapot.

Certaines œuvres sont en train d’éclore. C’est le cas d’Une goutte d’eau dans un nuage, voyage poétique et géographique d’Éloïse Mercier, déjà présenté à Avignon, mais qui semble trouver une deuxième vie à Paris.

Avec 15 spectacles à tarif libre contre plus de 1500 prévus à Avignon, le Paris Off Festival est avant tout symbolique. «On est une sorte de laboratoire en cette période d’incertitudes. Nos salles ne peuvent pas accueillir plus de 120 personnes pour des raisons sanitaires, mais le théâtre vit de nouveau et le public répond présent. L’objectif est atteint», témoigne encore Édouard Chapot.

Pour les professionnels du spectacle vivant, le festival est inespéré. Les patrons de salles représentent d’ailleurs 25% des spectateurs. Comme, Vincent Dumas, directeur de la Maison du Théâtre et de la Danse d’Épinay-sur-Seine, ils sont nombreux à enchaîner les pièces afin de programmer leur saison 2021-2022, la prochaine étant déjà planifiée. Car il faut en moyenne voir 150 spectacles pour une saison composée de 30 pièces. «Le Paris Off est une belle et courageuse initiative, le secteur en avait besoin. Ils essuient les plâtres et nous, on prend du plaisir tout en tirant des leçons de la manifestation», précise ce directeur de théâtre, particulièrement intéressé par le travail de Nathalie Bensard, metteuse en scène de Spécimens, une pièce traitant avec justesse et énergie de la période conflictuelle de l’adolescence.

Faire venir un nouveau public au théâtre

Alors que metteurs en scène et programmateurs échangent sur les créations en dégustant une barbe à papa dans les transats rouges du village Paradol, des enfants du quartier partagent une partie de volley improvisée avec des festivaliers. Les fanions multicolores servant de filet.

« On amène un bout d’Avignon chez les habitants de ce quartier prioritaire parisien. L’idée est de redonner un souffle de vie aux professionnels du théâtre tout en le rendant accessible au plus grand nombre »

Mathieu Touzet, codirecteur du Théâtre 14

«Certains gamins n’avaient jamais mis les pieds dans un théâtre et pourtant on les a retrouvés tous les jours dans les salles cette semaine. Contrairement à Avignon où le festival s’inscrit dans une sorte de bulle coupée du reste de la ville, on voulait vraiment ouvrir le théâtre au quartier», souligne Mathieu Touzet, en saluant l’un des jeunes filant vers le spectacle Spécimens.

L’expérience est concluante et les directeurs du Théâtre 14 comptent bien mener de nouveaux projets avec les associations du quartier. Et pourquoi pas rééditer le Paris Off Festival, à un autre moment que le festival d’Avignon. «Pour que le théâtre vive partout. Et pas que dans la Cité des papes

15 07/2020

À Paris, le Théâtre 14 fait son festival Off | La Croix | 14-07-20

mercredi 15 juillet 2020|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: |

Par Marie-Valentine Chaudon, le 14/7/2020 à 04h08

Jusqu’au 18 juillet, à Paris, le Théâtre 14 propose au public de découvrir quelques pièces qui auraient dû être jouées au festival Off d’Avignon. Un petit air de fête pour redonner un peu de souffle aux compagnies durement touchées par la crise sanitaire.

Ne manque que le chant des cigales. Il suffirait, peut-être, de fermer un instant les yeux, pour laisser à l’imagination le loisir de convoquer cette scansion méridionale jusqu’aux confins du 14e arrondissement de Paris. Un bouquet de parasols, des transats et des lampions, des conversations où bruissent les impressions suscitées par le spectacle qui vient de s’achever…

Tandis qu’une poignée de spectateurs court vers la représentation suivante, quelques personnes s’attardent dans un « village » improvisé rue Paradol, entre le théâtre 14 et le Gymnase Renoir, les deux lieux du ParisOffestival, voulu par Mathieu Touzé et Édouard Chapo, les directeurs du Théâtre 14.

Leur objectif : montrer des spectacles initialement programmés au festival Off d’Avignon pour rendre possible la rencontre des artistes avec leur public, mais surtout, leurs programmateurs potentiels, comme le permet le rendez-vous annuel de la Cité des Papes. Pendant six jours, quinze pièces sont ainsi jouées plusieurs fois chacune. Masque de rigueur, rinçage des mains au gel hydro-alcoolique à l’entrée, espacement des sièges… le public se plie aux nouvelles normes et il est bien là, dispensant des applaudissements teintés d’une émotion particulière.

Portrait d’un invisible

Le lundi 13 juillet, pour l’ouverture du festival, parmi les propositions, se croisent deux trajectoires de vies, deux personnages qui se racontent et entraînent à leur suite un public conquis.

Le premier s’appelle Étienne A., incarné par Nicolas Schmitt dans une pièce de Florian Pâque. Étienne A. 31 ans, est employé chez Amazon. Le soir de Noël, au milieu des cartons siglés du sourire fléché de la marque américaine, il dévide le fil de sa vie de « fourmi ».

À travers la galerie des personnages qu’il interprète tour à tour – le manager de l’entrepôt, son fils, son ex-femme, son père vieillissant -, Étienne compose le puzzle de son propre portrait qui est aussi celui des travailleurs invisibles, répondant au clic aveugle des souris. Désabusé, mélancolique, campé avec une juste palette d’émotions par Nicolas Schmitt, Étienne invite à une réflexion dont le sens résonne inévitablement avec la crise actuelle.

Plongée sensorielle dans Saïgon

Autre univers, autre solitude, celle d’une jeune femme expatriée à Saïgon, avec Une goutte d’eau dans un nuage. Seule en scène, Éloïse Mercier fait le récit de son arrivée au Vietnam, en pleine mousson, pour travailler dans une multinationale. Dans un texte joliment ouvragé, elle dépeint le flot de sensations extérieures et intérieures qui l’envahissent au contact d’une ville cannibale, où la nature sauvage – des hommes qui la peuplent et de la mangrove toute proche – ne concède rien à la civilisation.

Ces mots sont mis en scène avec un jeu d’objets d’une belle finesse, dans un bain sonore subtil et coloré, où se mêlent des voix vietnamiennes et les phrases de Marguerite Duras. Une goutte d’eau dans un nuage emporte le spectateur dans un voyage géographique et intime, à la poésie polymorphe et sensuelle. Avec une originalité qui rappelle, comme un manifeste, la vitalité de la création.

Marie-Valentine Chaudon

Étienne A. à 17 h 30 les 15 et 17 juillet au Gymnase Renoir.

Une Goutte d’eau dans un nuage à 19 heures Les 15 et 17 juillet.

Tout le programme sur www.theatre14.fr. Rens. et réservation au 01.45.45.49.77.