Loading...
­
2809/2022

Une farouche liberté / Gisèle Halimi | La Terrasse 28_09_22

mercredi 28 septembre 2022|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: |

Ariane Ascaride et Philippine Pierre-Brossolette interprètent tous les visages de Gisèle Halimi dans une mise en scène de Léna Paugam

LA SCALA / D’APRÈS UNE FAROUCHE LIBERTÉ D’ANNICK COJEAN ET GISÈLE HALIMI / MISE EN SCÈNE DE LÉNA PAUGAM

Publié le 27 septembre 2022 – N° 303

Comment ce projet est-il né ?
Léna Paugam : Philippine Pierre-Brossolette a lu Une farouche liberté à sa parution et en a été bouleversée. Persuadée de la nécessité de monter un projet autour de ce livre, elle a demandé les droits d’adaptation à Annick Cojean et aux héritiers de Gisèle Halimi, qui venait de décéder. Philippine en a parlé à différents directeurs de théâtre dont celui de La Scala, que ce projet a séduit. C’est elle qui a eu l’idée de l’adaptation à deux voix et qui a proposé à Ariane Ascaride de l’accompagner sur scène. J’ai accepté avec plaisir de mettre en scène ce projet, mais j’ai proposé une autre adaptation du texte. J’y ai joint plusieurs documents d’archives sonores qui mettent en valeur la dynamique singulièrement vive et précise de la langue de Gisèle Halimi. Chacune des deux comédiennes interprète à tour de rôle la figure de l’avocate, mettant sa sensibilité propre au service du portrait contrasté d’une femme aux multiples facettes.

« Un féminisme qui s’appuie sur l’idée de sororité mais ne se construit pas contre les hommes. »

Quelle est-elle ?
L. P. :
Dans le livre, Annick Cojean interroge d’abord Gisèle Halimi sur son enfance, qui a fait ce qu’elle est devenue. On passe ensuite par les différentes affaires de sa vie, la guerre d’Algérie, l’engagement politique, le procès de Bobigny, le procès d’Aix. On découvre progressivement le portrait de cette femme exceptionnelle mais aussi celui de toutes les femmes qu’elle a rencontrées : sa mère, premier modèle contre lequel elle s’insurge, les femmes qu’elle a défendues, Djamila Boupacha, Marie-Claire Chevalier et sa mère, mais aussi les femmes qui l’ont inspirée, Simone de Beauvoir, son amie Simone Veil, ses camarades de lutte. Je voulais qu’Ariane et Philippine puissent se libérer de l’injonction d’incarner Gisèle pour devenir une surface de projection de toutes ces femmes qui l’ont accompagnée.

Quels sont les thèmes de la pièce ?
L. P. : Gisèle Halimi a défendu toute sa vie, avec un engagement continu, une grande idée de la justice. Ce spectacle parle de la liberté avec laquelle elle a tenu à mener ses combats sans craindre d’être irrespectueuse ou irrévérencieuse. Il raconte aussi l’histoire d’un féminisme qui s’appuie sur l’idée de sororité mais ne se construit pas contre les hommes, un féminisme dont les luttes passent par l’institution, par le désir de changer les lois pour bouleverser le système de l’intérieur. C’est aussi l’histoire d’une détermination, d’un courage et d’un enthousiasme sans bornes, magnifiques et inspirants. Ce livre est comme un passage de flambeau : voilà pourquoi j’ai accepté ce projet. Les deux comédiennes ont une nature de jeu et une histoire très différentes mais elles se complètent et, par elles, deux générations de femmes qui ont beaucoup à se dire dialoguent. Il y a une nécessité à porter cette parole pour toutes les femmes. Ce théâtre-récit, sobre et joyeux, assume sa simplicité et sa douceur pour affronter des sujets complexes, sensibles et douloureux. Le nombre de femmes concernées par ce spectacle est très grand !

Propos recueillis par Catherine Robert

www.journal-laterrasse.fr

909/2022

Les Enfants de Lucy Kirkwood au Théâtre de l’Atelier- France inter 09-09-22

vendredi 9 septembre 2022|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: |

Les Enfants de Lucy Kirkwood au Théâtre de l’Atelier du 20 septembre au 27 novembre

Par Valérie Guédot

Publié le vendredi 9 septembre 2022 à 11h13

Sous le couvert de la comédie, se pose la question de la responsabilité des adultes face à l’avenir de leurs enfants.

Résumé : Un couple d’ingénieurs nucléaires à la retraite vit quelque part au bord de la mer près d’une centrale nucléaire qui vient d’être touchée par un tsunami (on pense bien entendu à la catastrophe de Fukushima). Une collègue ingénieur qui a participé elle aussi à la construction des grandes centrales scientifiques de la terre – un amour de jeunesse que l’on n’a pas vu depuis trente ans – arrive un soir d’été pour leur faire une proposition étonnante.

Cette pièce qui se joue à partir du 20 septembre au Théâtre de l’Atelier, a un humour noir dans la lignée de ce théâtre anglais si particulier qui allie à la fois la culture du trio du boulevard et les questions idéologiques et politiques dans l’espace intime. Elle interroge la responsabilité de cette génération des années 70 qui a cru au progrès, à l’atome et à l’amour libre.

Éric Vigner, metteur en scène et scénariste de la pièce, nous livre ses intentions :

« Les Enfants est une pièce de Lucy Kirkwood créée à Londres au Royal Court en 2017. C’est la première fois qu’elle sera jouée en France et c’est toujours émouvant de pouvoir faire découvrir au public français une nouvelle écriture contemporaine, en l’occurrence celle d’une jeune femme, (Lucy Kirkwood), née en 1984 qui est aussi scénariste en prise avec notre réalité planétaire.

Cette comédie à l’humour noir et très acéré s’inscrit dans la lignée d’une longue tradition réaliste dans le théâtre britannique. Il traite des réalités sociales et politiques du présent le plus souvent dans l’espace intime avec une forme de distanciation qui évoque notre théâtre de l’absurde.

Dans cette histoire une femme arrive un soir dans un no where au bord de la mer dont on comprend assez vite qu’il se trouve à proximité d’une centrale atomique qui a subi une catastrophe identique à celle de Fukushima. Que vient-t-elle faire et pourquoi reprend-elle contact avec ce couple d’ingénieurs nucléaires dont elle fut leur collègue après si longtemps ? Est-ce l’amour de jeunesse pour l’homme qui la conduit jusqu’ici ? A travers cette histoire, qui se révèle en pointillé au fur et à mesure que l’on avance dans la pièce, se dessine le portrait d’une génération et d’une culture, celle des années 70 qui a cru à l’amour libre et au progrès nucléaire.

Kirkwood pose la question de ce qui reste, de ce qui resterait après l’apocalypse et de ce que l’on pourrait faire face au constat d’une civilisation qui croyait au progrès et qui voit son échec. La solution qu’elle propose est une initiative individuelle singulière, concrète et inédite qui donne beaucoup à réfléchir sur ce que c’est de vivre, d’être humain au milieu des humains et de considérer son action individuelle au regard de celle des autres.

Est-ce que l’amour au bout du compte ne pourrait pas être l’énergie sur laquelle l’on pourrait s’appuyer pour, peut-être, consoler à défaut de pouvoir réparer avant de reconstruire ?

Chez Kirkwood, les enfants sont absents, on en parle à travers l’évocation de Lauren la fille aînée du couple, comme une enfant malade et rebelle, ou par la présence d’un tricycle que l’on a retrouvé sous la boue qui a tout recouvert après la vague du tsunami qui a endommagé la centrale. Les Enfants c’est aussi ce qui reste de l’enfance, la nôtre, celle de nos parents et de leurs enfants après eux.

Face à cette écriture nouvelle, il fallait une distribution exceptionnelle, un trio qui contribue par son expérience de vie et d’acteur à l’éclairer de ses talents. Cécile Brune, Frédéric Pierrot et Dominique Valadié porteront haut le message de Lucy Kirkwood. »

►►► Distribution

  • Les enfants de Lucy Kirkwood
  • Mise en scène et scénographie d’Eric Vigner
  • Traduction Louise Bartlett
  • Avec : Cécile Brune : Hazel // Frédéric Pierrot : Robin // Dominique Valadié : Rose

La pièce Les Enfants a été créée au Royal Court à Londres en 2017 puis à Broadway. C’est la première fois qu’elle sera jouée à Paris.

 

2208/2022

 Gala d’opéra à la Pointe des Poulains de Belle-Île-en-Mer | Olyrix 14-08-22

lundi 22 août 2022|Catégories: Festivals, Spectacle Vivant|Mots-clés: |

 

Le 14/08/2022Par Véronique Boudier

Le Gala d’opéra consacré cette année à Mozart au Festival Lyrique-en-mer met à l’honneur l’ensemble des artistes lyriques présents pour cette édition, dans un cadre d’exception situé à la Pointe des Poulains.

 

La falaise de la Pointe des Poulains qui domine la demeure de la comédienne Sarah Bernhardt se transforme le temps d’une soirée en scène lyrique pour un récital réunissant artistes jeunes et confirmés venus sur l’île pour suivre la master-class proposée par le Festival.

Le format ad libitum comme l’appréciait le fondateur Richard Cowan ne détaille pas les morceaux interprétés et c’est Philip Walsh, directeur du Festival, qui présente au fur et à mesure du concert ce programme surprise constitué d’airs, duos, trio, ensemble, extraits d’opéras de Mozart (Don Giovanni, Le Directeur de théâtre, Zaïde, La Flûte enchantée, La Clémence de Titus, Les Noces de Figaro, Cosi fan tutte, Idoménée et L’Enlèvement au Sérail), répertoire exigeant par sa précision esthétique, nécessitant un cantabile impeccable, des coloratures précises et une palette de couleurs variée, d’autant plus que les voix non amplifiées ne bénéficient d’aucune réverbération avantageuse. Chaque chanteur incarne les différents personnages des opéras mozartiens avec conviction même s’ils ne présentent pas tous la même assurance selon leur niveau de professionnalisme. © Véronique Boudier

 

C’est à deux jeunes artistes que revient l’honneur d’ouvrir le concert avec “La ci darem la mano” (Don Giovanni). La soprano belge Sara Barakat d’une voix claire et bien projetée incarne une Zerlina séductrice et souriante. Le baryton colombien Carlos Felipe Cerchiaro lui donne la réplique offrant une prestation juste et appliquée, à la diction précise. Il revient par la suite pour un autre duo, celui de Papageno avec Pamina confirmant le soin qu’il porte pour marier sa voix avec celle de sa partenaire.

Sharon Tadmor enchaîne avec un air du Directeur de théâtre. La voix de la soprano belge se déploie avec souplesse, des aigus faciles et un phrasé toujours bien pensé, agrémenté de quelques coloratures pour interpréter un personnage bien plus tourmenté que celui de l’Amour qu’elle interprète dans Orphée et Eurydice (l’opéra représenté cette année). Sa deuxième intervention, en Reine de la nuit, la met davantage en difficulté. Les changements de registres restent fluides comme les vocalises mais les extrêmes aigus trop serrés entraînent de petits déraillements. Trop absorbée par la prouesse, elle en oublie quelque peu l’éloquence.

C’est de nouveau un jeune artiste, déjà entendu dans Le Messie de Haendel lors du concert « Venez chanter » qui enchaîne avec Zaïde : Erwan Fosset offre une prestation impliquée de sa voix de ténor énergique avec une accroche solide lui permettant un (peut-être une réminiscence de son interprétation d’Orphée). Puis c’est au tour du baryton ukrainien Igor Mostovoi d’entrer en scène pour interpréter d’une voix vibrante et nuancée la sérénade de Don Giovanni “Deh vieni alla finestra”. Par la suite, il s’approprie de façon tout aussi convaincante le rôle de Guglielmo (Cosi fan tutte) pour une des pages les plus brillantes du répertoire mozartien “Rivolgete a lui lo sguardo”. La voix est brillante, la prononciation précise et il fait preuve de souplesse dans l’ornementation. Un concert Mozart ne serait pas le même sans Chérubin et ici même ses deux airs. Le “Non so più” revient à la jeune mezzo française Orana Ripaux. Sa voix veloutée dotée d’un léger vibrato, aux aigus perlés, sa belle musicalité et le soin apporté au texte font frémir le public. Le deuxième air “Voi che sapete” est chanté par Serena Pérez.  Sa voix ample de mezzo a de chaudes couleurs et une belle rondeur, donnant au personnage une allure plus exaltée que candide (peut-être une réminiscence de son interprétation d’Orphée). A l’aise scéniquement, elle se joint à Jazmin Black Grollemund pour une version décalée (avec téléphones portables) du duo extrait de Cosi fan tutte “Prendero quel brunettino”, déclenchant les rires du public. Tout sourire, la soprano possède une voix ample, nuancée aux aigus épanouis. Cette belle alchimie entre voix de soprano et de mezzo se retrouve également dans le duo amoureux entre Servilia et Annio, extrait de La Clémence de Titus “Ah perdona al primo affetto” interprété par Maria Koroleva et Serena Pérez. Le ténor britannique Alexander Bevan entame son air extrait de La Flûte enchantée avec une voix vibrante, bien projetée et un souci du phrasé constant. Le timbre n’est cependant pas assez nuancé et coloré pour exprimer le ressenti de Tamino, tombant amoureux à la vue du portrait de Pamina.

 

Enfin, Marley Jacobson (déjà soliste dans le concert Haendel) aborde de sa voix fraîche de jeune soprano au timbre clair et lumineux l’air de Blonde dans L’Enlèvement au Sérail. L’exercice est un peu périlleux pour la voix qui présente encore quelques fragilités au niveau de l’accroche et de la conduite de la ligne mélodique pour interpréter cet air où l’héroïne fait preuve d’une certaine véhémence pour combattre les avances d’Osmin.

Pour conclure ce concert, les voix de Jazmin Black Grollemund et Blythe Gaissert se rejoignent dans une belle harmonie, soutenue par les graves d’Igor Mostovoi pour le trio “Soave sia il vento” extrait de Cosi fan tutte, vent suave qui aurait été fort apprécié en cette journée caniculaire !

Philip Walsh remercie l’ensemble des chanteurs sans oublier les pianistes accompagnateurs pour leur belle complicité et le plaisir de travailler ensemble : David Jackson avec un jeu varié mais précis dans les tempi et les nuances, Joyce Fieldsend en accompagnatrice de classes de chant. Fier des Jeunes Artistes, ces derniers tous réunis interprètent le chœur extrait d’Idoménée “Placido e il mar, andiamo!” (la mer est calme, allons-y). Après de longs et chaleureux applaudissements, le public se dirige vers la sortie tout en admirant le coucher du soleil se reflétant sur un océan mordoré, d’un calme absolu.

2208/2022

Le chant d’Orphée sauve Eurydice à Belle-Île | Olyrix 12-08-22

lundi 22 août 2022|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: |

Le 12/08/2022Par Véronique Boudier

Le Festival international Lyrique-en Mer de Belle-Ile fondé en 1998 renoue avec l’opéra (même s’il n’a jamais abandonné l’art lyrique), en proposant Orphée et Eurydice de Gluck sous la direction musicale de Philip Walsh (Directeur artistique de l’événement), dans une mise en scène de Robert Chevara.

Après deux saisons perturbées à cause du Covid mais durant lesquelles le Festival a néanmoins proposé des événements remarqués (y comprisdéconfiné, sacré, dansant), et en Gala d’Opéra), les festivités se poursuivent et reprennent de plus belle. Orphée et Eurydice de Gluck est ainsi le premier opéra à être joué à Belle-Ile depuis Lucia di Lamermor. Musique, théâtre mais aussi danse fusionnent ici dans la version en français arrangée par Berlioz (où le rôle titre est confié à une mezzo-soprano) pour l’une des plus émouvantes histoires d’amour de la mythologie antique.

Point de lyre, de couronne de laurier, de colonnes grecques pour cette version épurée que propose Robert Chevara. L’un des axes de sa mise en scène est la transformation du protagoniste devenant homme possédé plutôt qu’un héros. Le rôle de cet Orphée tourmenté à l’extrême est confié à la mezzo-soprano espagnole Serena Perez. Complètement investie, sa voix puissante, charnue, aux couleurs sombres se déploie même pour exprimer l’affliction et le désespoir profond. Elle répond ainsi et aussi aux souhaits du metteur en scène, par sa voix à la fois lyrique et dramatique avec un vibrato bien affirmé. Le son est parfois serré dans les aigus lorsqu’il est émis de la gorge, et la ligne de souffle manquant parfois de contrôle entraîne quelques petits problèmes de justesse. La voix bien projetée quand elle est seule perd toutefois en intensité dans les duos. L’agilité est certaine dans les vocalises même si elles n’ont pas la fluidité d’une voix plus droite (moins vibrante) proposée souvent pour ce rôle. Pourtant habituée du répertoire baroque, la chanteuse tend vers une approche plus XIXème siècle du rôle, correspondant plus à l’époque de Berlioz et aux exigences dramatiques mais aussi en raison des aléas de la production (l’indisponibilité de la chanteuse initialement prévue, pour cause de maladie, ne lui laissant qu’une quinzaine de jours de travail).

 

Le rôle d’Eurydice est confié à la jeune sopranoMaria Koroleva, qui passe de la douceur juvénile au désarroi et à la véhémence d’une femme se sentant négligée, se livrant à la mort. Elle restitue la dimension tragique du rôle avec un engagement scénique convaincu et une bonne diction. Le timbre clair de sa voix agile aux aigus bien ouverts et au vibrato léger lui permet quelques ornementations bien gérées. Le legato également contrôlé déploie son homogénéité à travers les registres.

Sharon Tadmor campe l’Amour enjôleur et plein de vitalité. Jeune soprano au timbre frais, sa voix est légère, bien projetée et légèrement vibrée, laissant entendre de délicates colorations sur certaines syllabes (placées sur les appogiatures : ornements accentués) renforçant la compréhension.

Pour sa mise en espace vivante, qualifiée de « gigue de la vie », le metteur en scène s’est associé à la chorégraphe finlandaise Sara Europaeus, présente également sur scène. Dans cet espace uniquement habillé de lumières (vert, rouge, orange, blanc délavé) suggérant les lieux, comme la descente aux Enfers, ce sont les chanteurs qui habitent la scène, et surtout le chœur constitué des neuf jeunes artistes du Festival. La chorégraphe propose des directives précises dans l’expression corporelle, véritable cheminement se mouvant en permanence, explorant l’espace, en bloc, en ligne, courant, rampant, se croisant, s’enlaçant (tout en respectant les parties chantées, en plaçant le chœur face au chef pour des départs précis). La part belle est donnée à une danse aux mouvements exécutés de façon collective, avec plus ou moins d’assurance et de précision selon les chanteurs mais qui présente l’avantage de mettre en avant le corps animant l’action théâtrale. Les jeunes artistes en formation assurent ainsi les élans du c(h)œur dans cet opéra où sa fonction est essentielle, assurant à la fois la narration du drame et endossant tour à tour le rôle des bergers et nymphes de l’acte I (vêtus de noir, couleur du deuil), des spectres et furies à l’acte II, les ombres heureuses (vêtues de blanc) à l’acte III avant d’être eux-mêmes, vacanciers à Belle-Île, pour le finale, habillés de costumes estivaux et colorés marquant le retour à la vie !

Sara Europaeus – Orphée et Eurydice par Robert Chevara (© Lyrique‑en‑mer)

Ces jeunes chanteurs, qui ne se connaissaient pas auparavant, de nationalités diverses et dont la plupart ne parle pas français, offrent une prestation plutôt homogène, même si certaines voix sont un peu plus affirmées que d’autres. La prouesse est louable et saluée comme telle : chanter, danser, bouger pouvant vite devenir périlleux car le soutien vocal peut se fragiliser suite à l’essoufflement lié à la performance physique. Les contrastes ne sont cependant pas assez marqués, comme dans le chœur des furies pris à un tempo un peu lent.

Parmi ces jeunes artistes du festival, certains ont également assuré des parties de solistes dans le concert « Venez chanter » réunissant 150 choristes amateurs autour du Messie de Haendel, notamment Alysia Hanshaw et Marley Jacobson aux voix de sopranos claires, à la ligne mélodique bien conduite et expressive, la mezzo Orana Ripaux présentant une belle homogénéité entre graves chaleureux et aigus lumineux, et enfin le ténor Erwan Fosset issu de la Maîtrise de Sainte-Anne-d’Auray (Prix Liliane Bettencourt pour le chant choral 2021) et membre du Choeur Mélisme(s), à la voix claire et agile, bien projetée dans Ev’ry valley.

 

Sans être particulièrement versé dans ce type de répertoire, l’Orchestre de Lyrique-en-mer constitué de 14 musiciens (un par pupitre) dirigé par Philip Walsh parvient à préserver musicalement l’intimité baroque de l’œuvre, notamment dans les passages avec solo instrumental. La maîtrise des nuances, des tempi, la recherche d’harmonie entre cordes et bois ne nuisent pas aux chanteurs, mais instaurent au contraire et par l’écoute du chef un tissu sonore propice au chant même si les effets de contraste mis au service de la dramatisation auraient pu être davantage appuyés.

Le public constitué d’habitués, résidants ou non sur l’Île, applaudit avec enthousiasme l’ensemble de la production, savourant leur chance d’assister à des productions lyriques de qualité grâce à une équipe (bénévoles compris) investie mais tout de même pressée de sortir de « l’Enfer » (certes relatif) de la salle Arletty qui manque d’atmosphère –n’étant pas climatisée– pour retrouver un peu de la fraîcheur nocturne.

www.olyrix.com

707/2022

Frédéric et Mélanie Biessy, de Paris à la conquête d’Avignon | le point 07_07_2

jeudi 7 juillet 2022|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: |

Ils ouvrent La Scala Provence dans la cité des papes et se lancent dans de nouvelles aventures musicales et cinématographiques. Rencontre.

Mélanie Biessy, 50 ans, et son mari, Frédéric, 58 ans, inaugurent La Scala Provence le jour de l’ouverture du 76e Festival d’Avignon.

Par Baudouin Eschapasse

Publié le 07/07/2022 à 07h30

Ne leur parlez pas de crise ! Trois ans après avoir inauguré La Scala à Paris et malgré des débuts mouvementés (« entre les manifestations des Gilets jaunes et la pandémie de Covid, nous avons vraiment été gâtés », sourient-ils), Frédéric et Mélanie Biessy conjurent les difficultés économiques du moment en ouvrant à Avignon un nouveau lieu dédié au spectacle vivant. Cet établissement, baptisé La Scala Provence, lève le rideau le 7 juillet en lieu et place de l’ancien cinéma Capitole, rue Pourquery-Boisserin, à deux pas de la rue de la République, l’artère principale de la cité des papes. Ce « complexe théâtral » compte 4 salles et 1 000 places au total.

« Encore une fois, les Biessy ont vu les choses en grand. Leur nouveau lieu est magnifique », s’enthousiasme Alexis Michalik, qui y joue, en alternance avec Paul Lapierre, Une histoire d’amour dans le « off » du Festival d’Avignon. Outre la pièce d’Alexis Michalik, créée à La Scala Paris, où elle a été représentée plus de 400 fois, une trentaine d’artistes seront à l’affiche du lieu tout l’été. Parmi eux ? Benoit Solès dans La Machine de Turing mise en scène par Tristan Petitgirard, mais aussi Jos Houben pour un one-man-show comique, L’Art du rire, ou encore Fabrice Drouelle qui adapte pour la scène son émission Affaires sensibles. De nombreux musiciens s’y produiront également entre juillet et août (Renaud Capuçon, Guillaume Bellom, Francesco Tristano), ainsi que des humoristes (La Framboise frivole, Marc Jolivet) et même des troupes de cirque.

Une programmation éclectique

« Nous entendons proposer à La Scala Provence une programmation aussi diversifiée que celle de nos salles parisiennes », énonce Frédéric Biessy. « Nous voulons donner à voir le plus de choses possibles sans nous cantonner à un genre particulier », complète sa femme, Mélanie. « Pour faire vivre une structure privée aussi importante, il faut nécessairement proposer une vaste palette de spectacles afin de répondre à toutes les attentes », analyse Alexis Michalik.

Le couple entend faire de ce lieu, qui compte quatre salles de spectacle et huit studios d’enregistrement, une plateforme de lancement pour des talents émergents. © Thomas O’Brien / www.thomasobrien.fr

Si mari et femme partagent le même goût pour l’éclectisme, le couple n’aurait jamais pensé s’implanter à Avignon si Françoise Nyssen ne l’avait pas contacté l’an dernier pour lui signaler cet immeuble vacant. « Notre projet initial était de nous associer avec le groupe Actes Sud pour y ouvrir une librairie et un lieu de création, mais l’idée s’est rapidement imposée d’en faire un endroit exclusivement consacré au spectacle vivant », émettent Mélanie et Frédéric Biessy.

Après six mois de travaux et 5,5 millions d’euros d’investissement (contre 20 millions pour La Scala Paris), les époux Biessy entendent faire de cette structure bien plus qu’un lieu de diffusion. L’établissement restera ainsi ouvert toute l’année. Hors saison, il se transformera en un lieu de résidence pour artistes. Des metteurs en scène, des comédiens mais aussi des musiciens y seront accueillis pour des durées variables selon les projets. Et dans les huit studios d’enregistrement installés sur place seront enregistrés les disques du label Scala Music, que les époux Biessy viennent, par ailleurs, de fonder.

Une « Factory » à la française

Ce lieu pluridisciplinaire, où se mêlent théâtre, danse et musique mais aussi performances diverses et arts visuels, Mélanie et Frédéric Biessy déclarent l’envisager comme une sorte de « Factory », en référence à l’atelier new-yorkais d’Andy Wharol où se croisèrent, de 1964 à 1987, les grandes figures de la scène de l’art contemporain et du rock. Ils ambitionnent d’y créer une forme de pépinière, voire d’incubateur artistique.

Frédéric Biessy, producteur de spectacles de 58 ans qui a fait ses débuts au milieu des années 1980 auprès du tourneur Henri Dreyfus, dit ainsi « vouloir faire de La Scala Provence un lieu de rencontre entre créateurs, une fabrique où tous les arts se mélangeraient pour booster l’imaginaire de [leurs] hôtes ». Son épouse, fille de restaurateurs alsaciens, qui travaille en parallèle dans un fonds d’investissement et se charge des financements de l’entreprise, présente, quant à elle, leur nouvel établissement comme « un lieu dédié à l’émergence de nouvelles aventures artistiques ». Ce que le metteur en scène Thomas Jolly résume d’une jolie formule : « Ce qu’ont créé les Biessy, c’est finalement une forme de start-up philanthropique destinée à soutenir les créateurs. »

Bientôt au cinéma

Si leur projet d’entreprise ne saurait être comparé à celui d’une ONG, Frédéric et Mélanie Biessy n’en envisagent pas moins, à moyen terme, de transformer leur société en fondation. « Nous inscrivons notre projet dans le temps long. Notre action ne vise pas simplement à programmer des spectacles, mais à accompagner des artistes d’un bout à l’autre de leurs projets », justifie Frédéric. « Nous ne voulons pas devenir un garage chic qui ne programmerait que des créations venues d’ailleurs. Nous voulons aussi y participer activement », complète Mélanie Biessy.

C’est dans cet esprit qu’elle défriche aujourd’hui un nouveau terrain de jeux : le septième art. Mélanie Biessy vient ainsi de créer, en solo, sa propre société de production cinématographique (Scala films). Son premier long-métrage, coproduit avec Charles Gillibert, devrait voir le jour entre 2023 et 2024. Il s’agira de l’adaptation du roman d’Olivier Guez, La Disparition de Josef Mengele, portée à l’écran par Kirill Serebrennikov. Un créateur qui, comme les Biessy, se joue des frontières. En témoigne sa dernière création, actuellement proposée dans la cour d’honneur d’Avignon. Cette adaptation du Moine noir d’Anton Tchekhov mélange allègrement les langues (russe, allemand et anglais) mais aussi les disciplines artistiques (danse, musique, cinéma et théâtre).

www.lepoint.fr

303/2022

 « Etienne A » : le conte de l’entrepôt | Les Echos 03_03_22

jeudi 3 mars 2022|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: |

Comment, une nuit de Noël, un employé d’Amazon décide de prendre la tangente. Nicolas Schmitt s’empare avec intensité et grâce de la belle fable de Florian Pâque. Salué par la critique lors de sa création en 2020, le spectacle est à l’affiche de la Scala Paris pour deux mois.

Par Philippe Chevilley

Publié le 3 mars 2022 à 9:00

Etienne est employé à l’entrepôt Amazon de Saran, dans le Loiret. Il est séparé de sa femme Lucie, qui partage sa vie désormais avec un manager de l’entreprise. Il a un petit garçon qu’il emmène se promener parfois le long des vestiges de la voie d’essai de l’aérotrain d’Orléans, ce bolide sur coussin d’air dont le projet fut abandonné dans les années 1970. Il s’occupe comme il peut de son père, qui a un problème de hanche. Il est terriblement seul. Mais il est amoureux. D’une collègue de travail, Sandrine. Une nuit de Noël, dans le local fantôme des « objets retournés non distribués », il lui parle enfin. Il lui confie sa solitude, sa flamme, et sa décision de tout plaquer, « de ne plus être dans la course ».

C’est un bien joli texte qu’a signé Florian Pâque, un seul en scène sur mesure pour le jeune comédien Nicolas Schmitt, directeur artistique de la compagnie Le nez au milieu du village. A l’affiche du théâtre de la Scala en mars et avril, « Etienne A. » est une fable singulière sur le désarroi de l’homme moderne et sur le travail précaire, en même temps qu’un conte de Noël doux-amer. L’entrepôt de Saran évoque l’atelier du Père Noël avec ses lutins sous pression, managés par des chefs qui n’ont pas la bienveillance de Santa Claus… Rien d’appuyé ou de convenu toutefois dans cette courte pièce qui se veut une comédie humaine, non un brûlot social. Sensible, pleine de rebonds, elle distille une intrigante poésie du quotidien.

Puissance tranquille

En une heure trente à peine, ce spectacle subtil est l’occasion d’apprécier toute la palette de jeu de Nicolas Schmitt. Evoluant dans un dédale de cartons, le comédien se démultiplie : il campe le héros, mais aussi son ex-femme à cran (Lucie), son père bougon (Léon), son fils candide, son chef faussement bonhomme (Franck), son rival pas si méchant (Lionel), et même Mamie Nova, l’icône laitière, qui lui prodigue ses conseils de santé le soir dans sa cuisine. Nicolas Schmitt porte haut l’humanité de ses personnages, les stylise sans les caricaturer, avec ce qu’il faut de distance et d’humour.

Logiquement c’est dans le rôle d’Etienne A. qu’il donne toute sa mesure. Déployant une puissance tranquille émaillée de quelques accès de fièvre, confondant de naturel, il distille une émotion intense, savamment maîtrisée. Le public applaudit le coeur serré ce beau conte théâtral si tendrement incarné.

Philippe Chevilley

ETIENNE A.

THéâtre

de Florian Pâque

La Scala Paris,

https://lascala-paris.com/

du 4 mars au 30 avril

à 19 h 30 (15 h 30 le dimanche)

Durée : 1 h 30