Au Théâtre de l’Atelier, à Paris, le comédien filme « Atelier Misanthrope» avec le sociétaire de la Comédie-Française. Il l’a bâti comme une série.

Par Nathalie Simon

Publié hier à 12:22, mis à jour hier à 16:36

« Tournage en cours, silence absolu, merci», indique une note fixée sur la porte vitrée du Théâtre de l’Atelier dans le 18e arrondissement de Paris. Dans l’entrée encombrée de caisses volumineuses et de câbles entrelacés, un portrait de Charles Dullin, ancien hôte du lieu, accueille le visiteur. Sur le plateau, Jacques Weber filme et répète la scène 1 de l’acte I du Misanthrope de Molière avec Denis Podalydès. « Tu fais deux passages et tu reviens», lui demande le comédien dont le haut-de-forme agrandit encore la silhouette déjà imposante.

 Le sociétaire de la Comédie-Française obéit, enfile une veste noire, pose un chapeau melon sur son crâne et croise ses mains dans le dos. «Allez, on tourne!», reprend Jacques Weber. Côté jardin, le pianiste Antoine Sahler improvise une musique digne d’un film de Charlie Chaplin. Dans les coulisses, costumière et maquilleuse, visière transparente sur le nez, s’activent. «Là, c’est une version muette. Jacques et Denis sont partis de zéro, ils ont tiré au sort le rôle d’Alceste. Il y a eu des scènes très classiques et des variations sur le thème de La Guerre du feu ou à la façon d’En attendant Godot de Beckett», explique Rémi Duhamel, le directeur de production. Une ou deux prises suffisent aux deux monstres de scène dont les yeux sont surlignés de noir pour imposer leur tandem. Quatre à cinq jours de tournage sont nécessaires pour un film de 90 minutes intitulé Atelier Misanthrope, acte I scène 1.

 « La télé n’est pas un pis-aller. Elle n’empêchera pas les gens d’aller au théâtre ». Denis Podalydès

«Mêler télévision et théâtre est passionnant. On ne sait pas si on est dans le “making off” ou la pièce, s’enthousiasme Denis Podalydès. Les rapports entre les deux n’ont jamais été aussi bons depuis la pandémie!» «J’aide Jacques à concrétiser sa vision. C’est tourné comme une série, pas comme une captation. Nous découpons scène par scène», signale Serge Khalfon, conseiller à la réalisation. «Jacques» a troqué le costume pour une chemise et un jean.

Il se dit «impressionné» par la première réplique du Misanthrope qu’il a souvent interprété: «Qu’est-ce donc qu’avez-vous?»

«Il ne faut rien censurer»

«La première scène est presque une pièce complète, estime l’acteur. Denis et moi pouvons-nous diriger l’un l’autre. Nous avons démarré dans le vide total, toutes les possibilités sont admissibles. On est entre l’expression cinématographique et l’expression théâtrale. Comme disait Jean-Claude Carrière, au départ, il ne faut rien censurer. La veille, nous étions habillés de peaux de bête…»

« Denis et moi pouvons-nous diriger l’un l’autre. Nous avons démarré dans le vide total, toutes les possibilités sont admissibles. On est entre l’expression cinématographique et l’expression théâtrale ». Jacques Weber

Pour Denis Podalydès, le misanthrope est un personnage dont tous les comédiens veulent s’emparer: «Chacun porte son Alceste ou son Philinte, dit-il. Ce sont deux amis qui sont à la fois les mêmes et différents. Ils ont besoin l’un de l’autre comme les duos comiques.» Cet «atelier» complète une série de trois films tournés par Jacques Weber au Théâtre de l’Atelier entre juillet dernier et ce mois-ci. Atelier Vania sera diffusé sur France 5 en mai, puis Atelier Cyrano. Nicolas Auboyneau, le responsable de l’unité Théâtre et musique de France Télévisions, se félicite : «Le petit écran n’est plus un emmerdeur, il collabore avec le théâtre.» «La télé n’est pas un pis-aller. Elle n’empêchera pas les gens d’aller au théâtre», conclut Denis Podalydès.

www.lefigaro.fr