Compagnie Alain Françon – Théâtre des Nuages de Neige

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2 02/2017

Georgia Scalliet, femme quantique | Culture / Next

jeudi 2 février 2017|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: , |


Photo Roberto Frankenberg pour Libération

Remarquée dans «le Temps et la Chambre», la jeune sociétaire de la Comédie-Française y incarne une femme multiple et fragmentée.

Elle a 30 ans, douze cheveux blancs. Se sent plus détachée en ce moment. Et recule subitement au fond de sa chaise en regardant ses bras ballants comme si un type venait d’entrer dans la pièce et de la délivrer à l’instant. On est au troisième étage du Théâtre de la Colline. Dans un bureau tout ce qu’il y a de plus blanc, autour d’une table de réunion tout ce qu’il y a de plus lisse. L’entretien n’a pas commencé depuis cinq minutes, mais c’est déjà l’illustration vivante de cette phrase de Botho Strauss : «Pas de lien, pas de position, pas de point de départ. Rien qu’une excitabilité en déplacement. La crise est permanente.» De grands yeux éblouis, solaire dedans, lunaire autour ou vice-versa. Il faut suivre, la beauté est plus canaille, les traits infiniment plus expressifs que ce que laissait supposer la plastique un peu froide des photographies. Le genre blue jean, derby, «et merde, j’avais mis du mascara» en se frottant les cils. Presque pas de maquillage, et elle a dû enfiler ce haut rose à paillettes à la dernière minute.

Georgia Scalliet est à l’affiche dans la pièce du dramaturge allemand, le Temps et la Chambre (1). Elle incarne, avec une intensité hypnotique, une multiplicité de femmes, enchaînant des relations à géométrie variable, le tout dans une forme prodigieusement fragmentaire. Marie Steuber est moins un personnage qu’une figure, la femme éternelle, la fraîcheur, même sous bêtabloquants. Traversée vertigineuse dont elle ressort pourtant plus forte, plus calme, plus dépouillée : «On touche tout de suite à l’inconscient avec cette écriture. Je me suis sentie très libre. Sa parole est tellement brute que ça m’a donné une grande confiance dans cette énergie primaire qu’on a tous en soi.» Pour le metteur en scène Alain Françon, l’ange tutélaire qui l’a propulsée directement de l’Ecole nationale supérieure des arts et techniques du théâtre (Ensatt) à la Comédie-Française en lui offrant le rôle d’Irina dans les Trois Sœurs, qui lui vaut le Molière du jeune talent féminin en 2011, «il y a chez Georgia cette alliance très rare entre la gravité et la légèreté. Ce n’est pas une histoire de distanciation brechtienne. Cette Marie Steuber, elle l’incarne totalement, mais elle la conduit comme si elle était devant elle». Elle n’est pas féministe au sens militant, mais insiste sur le fait que hormis Anne Kessler et Valeria Bruni Tedeschi, elle n’a jamais été dirigée que par des hommes, même à l’Ensatt. Exceptions faites de Clément Hervieu-Léger et Alain Françon, «qui savent lire une femme avec une grande finesse, il faut toujours avec les autres se débrouiller seule pour ne pas tomber dans le cliché. On a l’impression qu’ils sont complètement démunis, ou craintifs, ce qui rend le travail beaucoup moins riche».

En revanche, elle sort de ses gonds dès qu’il est question de maternité, sa fille Jane a 15 mois. Elle s’est sentie «disqualifiée», et a très mal vécu cette «inégalité physique», dès l’instant où elle a compris que son compagnon – un comédien dont elle taira le nom – n’allait pas, comme elle, devoir renoncer à quantité de projets. Probablement une grande jalouse par ailleurs mais, c’est une différence de taille, elle en parle avec autodérision. Depuis le début, elle jette d’ailleurs volontiers tous ses défauts en pâture. Elle prétend avoir une concentration de poisson, ne rien retenir et «vous avez vu, j’ai dû demander mon chemin pour aller aux toilettes, une vraie assistée». Ce n’est ni de l’extravagance ni de la fausse modestie. Elle a juste une palette d’intonations extensible, et chaque fois qu’elle répond à une question, elle fait, comme les enfants, tous les personnages à la fois. L’air de rien, ça fait du monde autour d’elle, on n’entre pas comme ça dans son périmètre. Une des trouvailles du Temps et la Chambre, c’est que sa construction s’inspire de la physique, notamment de Prigogine et de sa «structure dissipative». On se demande quand sa vie a commencé à ressembler à cette drôle d’expression. «Oh ! des petits chocs», comme tout le monde, «la mort, tôt…».Et de renchérir aussitôt : «C’est tragique, cette capacité d’adaptation de Marie Steuber. On croit que c’est une force, alors que c’est de l’abnégation. On perd le feu. Résultat : le cœur est mort, la fille est crevée de l’intérieur.»

Cette Bourguignonne a grandi à Dijon. Le père est directeur commercial, la mère, prof d’anglais, est américaine, ce qui lui donne la double nationalité. La conversation dévie inopinément sur les voyages. «C’est mon truc, j’en ai besoin !» Elle prend un de ses airs les plus innocents, elle en a mille à la seconde, scrute en souriant le foulard qu’elle tripote depuis un moment et laisse un blanc. Eh bien, c’était où ce grand périple ? «Je suis partie seule une fois. J’ai fait un burn-out et j’ai passé un mois dans un ashram en Inde.» Elle en revient changée et sa voix retourne instantanément dans les graves. Pourquoi les gens qui font son métier sont abîmés à ce point ? Ça ne va plus de soi, ce dévouement total, il faut sortir de cette fascination pour les têtes brûlées, être moins passionnelle, «de la bonne santé, c’est ce qu’il faut». Ça reste une acharnée de travail. «On peut répéter quarante fois une scène, elle y retourne encore avec la même énergie», raconte Laurent Stocker, fréquent partenaire de jeu.

Le volet sur le monde extérieur est plus court. Elle coche elle-même la case «européenne, moyenne, gâtée, atterrée, démunie». A voté François Hollande aux dernières élections, n’a encore rien décidé pour les prochaines. Ne lit presque jamais les journaux, pense qu’il faudrait en compulser dix par jour pour se faire vraiment un avis. Vit dans le Xe, près du canal Saint-Martin. N’est absolument pas à jour dans ses fiches de paie, sait juste qu’elle est montée jusqu’à 3 400 euros, et que c’est largement suffisant. Des goûts de luxe dissimulés sous ses airs de grande adolescente un peu dégingandée semblent peu probables. Il faut filer dans sa loge, où elle ouvre une brochure pleine de citations et sa boîte à gris-gris, manière de retarder la séance photo derrière la grande scène, elle déteste ça. Y va quand même gentiment, fait le clown, le poirier, parle au petit œil braqué sur elle, qui l’éteint, qui la ferme, «quand il y a une caméra dans la salle, plus rien n’est pareil». Elle éclate de rire quand on lui propose de poser nue. Un rire très long, très doux, une sorte de générosité débordante dans le refus catégorique. Est-ce que quelqu’un ici a vraiment cru qu’elle allait se mettre à poil ? La voilà qui relève brusquement la tête : «Quoique, au point où j’en suis.» Et regarde vaguement dans notre direction : «Vous savez, c’est comme dans la scène où elle dit : « De toute façon, au point où on en est toi et moi ! »» Bien entendu, elle reste sur sa position.

(1) Libération du 27 janvier.


22 juillet 1986 Naissance à Paris. 2011 Molière du jeune talent féminin. Décembre 2016 Sociétaire de la Comédie-Française. 3 février 2017 Dernière de le Temps et la Chambre au Théâtre de la Colline (m.s. Alain Françon).

Source : Culture / Next

17 01/2017

Le Temps et la Chambre de Botho Strauss, l’art de l’esquive | Le Figaro

mardi 17 janvier 2017|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: , |

Alain Françon rêvait depuis longtemps de monter la plus étrange des pièces du dramaturge allemand, Le Temps et la Chambre. Une pléiade de comédiens puissants sert avec jubilation un monde où tout peut advenir. Bizarrement et logiquement…
C’est un espace splendide. Pas du tout une chambre – ou alors c’est la figuration d’une camera oscura où des sortilèges adviendraient. C’est un espace vaste aux murs d’un rouge profond. À gauche, trois immenses baies vitrées qui pourraient être celles d’un atelier transformé en appartement. À droite, la porte d’entrée en bois bien ciré. Au fond, des portes monumentales, blanches, un dégagement, un espace carrelé qui doit être la salle de bains, une chambre sans doute…
Il s’agit exactement d’un loft berlinois décrit par Botho Strauss, réinventé par Jacques Gabel. L’immense salle est très peu meublée: deux fauteuils de cuir qui vont être déplacés, une colonne massive, du même rouge que les murs. Cette colonne est célèbre dans la littérature dramatique du XXe siècle: elle parle.
La pièce de Botho Strauss ne date pas d’hier mais de près de trente ans. Luc Bondy la créa, Patrice Chéreau la monta et en fit un film d’après sa mise en scène.
Alain Françon s’en empare à son tour avec une jubilation juvénile. Il a récemment travaillé sur La Trilogie du revoir avec les élèves de l’École nationale des arts et techniques du spectacle de Lyon. Ce fut très réussi, très pertinent. On a le même sentiment avec sa vision très libre du Temps et la Chambre dans la traduction de Michel Vinaver. Françon ne craint pas ce qu’il y a de cocasse dans cette plongée perturbante au cœur d’un monde où les règles logiques de l’espace-temps n’ont pas cours. En tout cas pas toujours.
Télescopages de la mémoire
Il y a quelque chose de magique dans l’apparition de Marie Steuber (Georgia Scalliet) qui sait ce que les deux hommes, les deux faux jumeaux qui ouvrent la pièce (Jacques Weber et Gilles Privat), disaient d’elle deux minutes plus tôt en la voyant passer en bas de l’immeuble. Il y a de la magie dans le fait qu’une colonne soit aussi savante que la Pythie de Delphes, mais il y a aussi l’insolite quotidien des pertes (une montre pour Wladimir Yordanoff), des humeurs moirées (Dominique Valadié), des poussées enfiévrées (Charlie Nelson), des trépidations vitales (Aurélie Reinhorn), des esquives (Antoine Mathieu), des glissements (Renaud Triffault). «Mais de quoi ça parle?» demande le spectateur potentiel? Du passage – cela commence juste après la Saint-Sylvestre. Des télescopages de la mémoire qui palpite toujours au pur présent. De tentations terrestres et d’aspirations spirituelles.
Il y a un danger dans la pièce: qu’on en use avec elle comme s’il s’agissait de fragments, voire de sketchs comiques. Elle recèle indéniablement des situations cocasses, des personnages déjantés et très fin du XXe siècle en Europe. Tout ce qui peut appeler le rire. Et l’on rit. Mais l’on demeure plutôt du côté de l’inquiétante étrangeté: les êtres, ici, sont aussi poreux que les murs. On croit les voir, on croit les entendre. Mais que nous ont-ils livré? Et la colonne, vous êtes certain qu’elle a parlé?
«Le Temps et la Chambre». La Colline. 15, rue Malte-Brun (XXe). Tél.: 01 44 62 52 52. Horaires: mar. à 19 h 30; du mer. au sam. à 20 h 30; dim. à 15 h 30. Jusqu’au: 3 février. Durée: 1 h 45. Places: de 10 à 30 €.

Source : Le Figaro

18 03/2016

Dominique Valadié

vendredi 18 mars 2016|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: , |

La comédienne Dominique Valadié rencontre Laure Adler pour évoquer son parcours.

Source : Franceculture.fr

8 02/2016

« Qui a peur de Virginia Woolf ? » Une pièce en règlement de compte | myTF1News

lundi 8 février 2016|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: , |

Quand un dernier verre dégénère en règlement de compte. La pièce « Qui a peur de Virginia Woolf ? » qui se joue au théâtre de l’Oeuvre à Paris, raconte l’histoire de deux couples qui vont regretter d’avoir voulu prolonger une soirée arrosée.

Source : MYTF1News

3 02/2016

Le metteur en scène Alain Françon – Podcast France Inter

mercredi 3 février 2016|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: , , |

Un homme et une femme, déjà bien alcoolisés, rentrent chez eux au milieu de la nuit.

A l’irritabilité de l’une et à la déférence sarcastique de l’autre, on sait sans le moindre doute qu’ils sont mariés depuis longtemps.

Ils sont comme les deux pôles d’un engin explosif que la moindre étincelle peut faire exploser.

Cette étincelle se produira avec l’arrivée d’un jeune couple, Nick et Honey, que Martha et George vont manipuler avec sadisme et prendre à témoin de leur interminable et violente scène de ménage.

Qui a peur de Virginia Woolf ?, célèbre pièce d’Edward Albee, écrite en 1962, montée à Broadway, a été immortalisée au cinéma par le couple Taylor-Burton mis en scène par Mike Nichols en 1966.

A l’époque, la crudité du langage et l’incroyable cruauté de cet affrontement conjugal, situé dans une petite université, au cœur d’une Amérique puritaine, avaient sidéré la critique.

Cinquante ans plus tard, le texte d’Albee a-t-il résisté à l’épreuve du temps ?

En tout cas il fascine encore les grands comédiens, comme Dominique Valadié et Wladimir Yordanoff qui ont convaincu Alain Françon de les mettre en scène.

Daniel Loayza en a réalisé une nouvelle traduction, prenant en compte des corrections effectuées par l’auteur en 2005. Sur la scène du Théâtre de l’Oeuvre, Valadié et Yordanoff sont incroyables de force et d’intelligence. Face à eux, Julia Faure et Pierre-François Garel réussissent l’exploit d’exister mieux que bien.

Dans un décor minimaliste de Jacques Gabel et la belle lumière de Joël Hourbeigt, ses habituels complices, Alain Françon a déshabillé la pièce d’Albee de tout réalisme pour mieux laisser la place au texte et au jeu des acteurs.

Dans un mois il sera à la Comédie Française avec La Mer de son cher Edward Bond.

Et ce soir Alain Françon est l’invité de l’Humeur Vagabonde.

20 01/2016

Alain Françon : « Albee est un auteur magistral » | Sceneweb

mercredi 20 janvier 2016|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: , |

Alain Françon remet au goût du jour un classique américain :

« Qui a peur de Virginia Woolf  ?». La pièce d’Edward Albee est un combat féroce entre deux couples au cours d’une nuit d’ivresse. Martha (Dominique Valadié) et George (Wladimir Yordanoff) invitent un couple plus jeune, Honey (Julia Faure) et Nick (Pierre-François Garel). Alain Françon donne à entendre la violence des mots de l’auteur américain.

Il vous fallait ces quatre comédiens pour monter cette pièce ?

Oui mais il faut dire que Dominique Valadié et Wladimir Yordanoff m’ont demandé de monter cette pièce. Et les deux jeunes acteurs (Julia Faure et Pierre-François Garel ) ont été des élèves de Dominique lorsqu’elle était professeur au Conservatoire. Cette pièce ne fait pas partie du mon répertoire habituel, j’ai d’ailleurs un peu hésité et puis finalement je suis tombé sur le livre d’un groupe de psychanalystes et sociologue américains qui s’appelle « La logique de la communication » et il y a 150 pages d’analyse sur la pièce. Ils analysent la forme et le protocole de la parole qui lie George et Martha, comme un conflit coopératif. Je prends la boxe comme métaphore. Il y a des règles. Il y a de cela dans la pièce. C’est comme un protocole de survie entre eux avec des formes inouïes puisqu’ils inventent un enfant fictif. Mais la règle c’est de ne pas en parler. Et la femme va rompre cette règle. Alors George décide de « mettre à mort l’enfant ». Elle est presque plus tragique que s’il était vivant. Mais à la fin ils passent de l’humiliation à l’humilité.

C’est une pièce finalement peu jouée et pourtant les dialogues sont riches

En France dans notre tradition de théâtre psychologique on joue plutôt l’empoignade, le combat physique, comme si on oubliait la matière textuelle. En générale toutes les représentations de la pièce en France ce sont mal déroulées et ont fini par des procès. A la création, Madeleine Robinson et Raymond Gérôme avait chacun leur avocat dans la salle ! J’ai fait comme dans la tragédie classique. Tout ce qui est physique je l’ai fait à l’extérieur. C’est au spectateur à imaginer s’ils se sont mis des coups. Je ne voulais pas qu’ils existent sur le plateau car pour moi les coups sont d’ordre textuel.

Et puis il y a l’absent de la pièce, cet enfant, c’est l’intrigue

On ne peut pas expliquer une œuvre par la vie de son auteur mais tout de même Albee est un enfant adopté et cela s’est mal passé. Beaucoup de ses traumatismes viennent de là. Dans sa littérature il y a beaucoup d’enfants rebelles. Et dans la pièce on ne sait plus s’ils inventent ou non. Mais en fait j’ai enlevé les deux répliques où ils disent qu’ils n’ont pas pu avoir d’enfant. Cet auteur est vraiment magistral.

Propos recueillis par Stéphane CAPRON

Source : Sceneweb.fr