LG Théâtre / Georges Lavaudant

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20 01/2017

Georges Lavaudant ravale l’«Hôtel Feydeau» | Culture / Next

vendredi 20 janvier 2017|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: , |


Astrid Bas, Gilles Arbona et Manuel Le Lièvre. Photo Thierry Depagne

Le metteur en scène propose à l’Odéon un réjouissant condensé de cinq courtes pièces du maître du vaudeville.

A quelques semaines près, on aurait écrit d’Hôtel Feydeau qu’il constituait un spectacle idéal pour les fêtes de fin d’année, car virevoltant, accessible, coloré et drôle (option grinçant). Les guirlandes remisées, il n’y a néanmoins pas prescription et, pour autant que le degré d’exigence ne soit pas démesuré, on repart de l’Odéon le cœur aussi léger qu’on a pu y entrer.

Pension bien tenue, Hôtel Feydeau se présente sous la forme de ce qu’on appellera commodément un digest digeste. Cinq pièces du maître du vaudeville y sont redécorées dans des tons vifs (jaune, bleu, orange, rose…, le tout sur fond blanc) par le non moins honorable Georges Lavaudant, dont on subodore qu’il a d’abord voulu (se) faire plaisir, dans un établissement qu’il a dirigé durant onze ans , de 1996 à 2007, et où, entre un Roi Lear et une Mort de Danton, il créa notamment en 2001 Un fil à la patte, du même Feydeau… ici absent du best-of.

On purge bébé, Mais n’te promène donc pas toute nue, Feu la mère de Madame, Léonie est en avance et Cent millions qui tombent sont (à l’exception de la dernière, par ailleurs inachevée) les ultimes pièces en un acte de l’auteur qui, lorsqu’il les écrit, digère mal les déboires conjugaux dans lesquels il aura laissé le peu d’illusions qu’aurait pu lui procurer une vie de couple laminée par l’usure du temps («Tu es mon mari, mais c’est une convention, tandis que mon fils, c’est ma chair, c’est mon sang»). Aussi, c’est avec une jubilation virulente et absurde («Il s’appelle Toto, c’est le diminutif d’Hervé») que le dramaturge sort la sulfateuse – comme aurait écrit Audiard – pour, entre deux intermèdes jazzy ou mambo, faire valser la préséance et clouer au pilori les mille et un faux-semblants de la bourgeoisie.

Pain bénit pour les comédiens – qu’on ne saurait imaginer aiguisant leurs saillies et embardées autrement que dans le plaisir – Hôtel Feydeau régale ainsi à tout va. Voir André Marcon rentrer trempé d’une soirée déguisé en Roi-Soleil («par temps de pluie», ne manque pas de le chambrer sa dulcinée) figurant un plaisir, parmi d’autres, qu’on aurait tort de snober.

Gilles Renault

Hôtel Feydeau d’après Georges Feydeau m.s. Georges Lavaudant Théâtre de l’Odéon, 75006. Jusqu’au 12 février. Rens. : www.theatre-odeon.eu/fr

Source : Culture / Next

29 04/2016

Les îles flottantes de Marie NDiaye aux Bouffes du Nord | Les Echos Week-end

vendredi 29 avril 2016|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: |

Théâtre : les îles flottantes de Marie NDiaye aux Bouffes du Nord DR.

Georges Lavaudant entraîne un équipage de dix jeunes acteurs dans l’oeuvre de l’auteure de « Trois femmes puissantes ». « Archipel » est un joli spectacle, où se distillent récits et contes… comme une veillée littéraire sous les étoiles.

Emergé des eaux libres d’un théâtre de recherche et de transmission, « Archipel » n’a sans doute pas fini de dériver d’une salle à l’autre, aux gré de programmations aventureuses. Créé en 2014 au CDC -Ateliers de Paris – Carolyn Carlson (1), ce court patchwork autour de l’oeuvre de Marie NDiaye, fait une étape de quelques jours aux Bouffes du Nord. L’écrin si particulier du théâtre patiné sied à merveille à ce drôle d’objet scénique, qui conjugue texte, musique, danse… et marque la rencontre entre un maître de la mise en scène, Georges Lavaudant et dix jeunes comédiens.

Le montage est volontiers composite : extraits de romans, de pièces, de morceaux d’interviews… Le spectacle a des airs de veillée débridée, d’une « battle » de conteurs. On est happé par toutes ces histoires, noires et drôles, comme cette entrée en matière avec Monsieur Herman, le Parisien en villégiature, qui voit sa fin de vacances virer à « La Nuit des morts vivants » ; ou cette évocation-passion autour de la mort de Claude François. Plus sombre encore, le récit atroce de cette mère conspuée par l’assemblée des parents d’élève, quand elle révèle que l’instituteur apprécié de tous a violé son fils.

Mise en scène fluide

Lavaudant alterne le chaud et le froid : ainsi à la fin du spectacle, s’enchaînent un mariage-catastrophe burlesque et un extrait de « Trois femmes puissantes », évoquant le destin tragique de Khady Demba, la migrante africaine qui termine son calvaire au pied du grillage la séparant de l’Europe. Les interviews, jouées avec humour, sont des ponctuations-respirations qui nous rappellent que la littérature -comme le théâtre- est un baume pour soigner les blessures de la vie. La mise en scène est fluide. On passe d’une saynète à l’autre en un bref fondu au noir, sur fond de musiques rythmées, tandis que valsent les tables et les chaises du décor. Les lumières dessinent des arabesques et des étoiles, créant une atmosphère de fiction onirique.

Venus de différents horizons, les dix acteurs ont l’air parfaitement à l’aise dans ce jeu de rôles éclatés. Valérian Behar Bonnet, Elias Benizio, Hugo Brunswick, Rosa Bursztein, Bérénice Coudy, Clovis Fouin, Kevin Garnichat, Benoît Hamon, Fannie Outeiro et Barbara Probst sont dirigés avec finesse par Georges Lavaudant. Ils savent être comique et tragiques sans en faire trop, s’approprient avec grâce les chorégraphies mélancoliques de Francis Viet. Ils investissent avec justesse chaque île, chaque îlot de cet « Archipel ». Pendant une heure trente cinq, on flotte, vogue, rêve avec les beaux mots de Marie NDiaye. Et on émerge des Bouffes du Nord, avec des envies de livres plein la tête.

Archipel

Montage de textes de Marie NDiaye

Mise en scène de Georges Lavaudant

Paris, Théâtre des Bouffes du Nord (01 46 07 34 50)

du 26 au 30 avril, 1h35

(1) dans le cadre de l’opération Talents Adami Paroles d’Acteurs avec le Festival d’automne

Source : Les Echos