Lyrique-en-mer

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22 08/2022

 Gala d’opéra à la Pointe des Poulains de Belle-Île-en-Mer | Olyrix 14-08-22

lundi 22 août 2022|Catégories: Festivals, Spectacle Vivant|Mots-clés: |

 

Le 14/08/2022Par Véronique Boudier

Le Gala d’opéra consacré cette année à Mozart au Festival Lyrique-en-mer met à l’honneur l’ensemble des artistes lyriques présents pour cette édition, dans un cadre d’exception situé à la Pointe des Poulains.

 

La falaise de la Pointe des Poulains qui domine la demeure de la comédienne Sarah Bernhardt se transforme le temps d’une soirée en scène lyrique pour un récital réunissant artistes jeunes et confirmés venus sur l’île pour suivre la master-class proposée par le Festival.

Le format ad libitum comme l’appréciait le fondateur Richard Cowan ne détaille pas les morceaux interprétés et c’est Philip Walsh, directeur du Festival, qui présente au fur et à mesure du concert ce programme surprise constitué d’airs, duos, trio, ensemble, extraits d’opéras de Mozart (Don Giovanni, Le Directeur de théâtre, Zaïde, La Flûte enchantée, La Clémence de Titus, Les Noces de Figaro, Cosi fan tutte, Idoménée et L’Enlèvement au Sérail), répertoire exigeant par sa précision esthétique, nécessitant un cantabile impeccable, des coloratures précises et une palette de couleurs variée, d’autant plus que les voix non amplifiées ne bénéficient d’aucune réverbération avantageuse. Chaque chanteur incarne les différents personnages des opéras mozartiens avec conviction même s’ils ne présentent pas tous la même assurance selon leur niveau de professionnalisme. © Véronique Boudier

 

C’est à deux jeunes artistes que revient l’honneur d’ouvrir le concert avec “La ci darem la mano” (Don Giovanni). La soprano belge Sara Barakat d’une voix claire et bien projetée incarne une Zerlina séductrice et souriante. Le baryton colombien Carlos Felipe Cerchiaro lui donne la réplique offrant une prestation juste et appliquée, à la diction précise. Il revient par la suite pour un autre duo, celui de Papageno avec Pamina confirmant le soin qu’il porte pour marier sa voix avec celle de sa partenaire.

Sharon Tadmor enchaîne avec un air du Directeur de théâtre. La voix de la soprano belge se déploie avec souplesse, des aigus faciles et un phrasé toujours bien pensé, agrémenté de quelques coloratures pour interpréter un personnage bien plus tourmenté que celui de l’Amour qu’elle interprète dans Orphée et Eurydice (l’opéra représenté cette année). Sa deuxième intervention, en Reine de la nuit, la met davantage en difficulté. Les changements de registres restent fluides comme les vocalises mais les extrêmes aigus trop serrés entraînent de petits déraillements. Trop absorbée par la prouesse, elle en oublie quelque peu l’éloquence.

C’est de nouveau un jeune artiste, déjà entendu dans Le Messie de Haendel lors du concert « Venez chanter » qui enchaîne avec Zaïde : Erwan Fosset offre une prestation impliquée de sa voix de ténor énergique avec une accroche solide lui permettant un (peut-être une réminiscence de son interprétation d’Orphée). Puis c’est au tour du baryton ukrainien Igor Mostovoi d’entrer en scène pour interpréter d’une voix vibrante et nuancée la sérénade de Don Giovanni “Deh vieni alla finestra”. Par la suite, il s’approprie de façon tout aussi convaincante le rôle de Guglielmo (Cosi fan tutte) pour une des pages les plus brillantes du répertoire mozartien “Rivolgete a lui lo sguardo”. La voix est brillante, la prononciation précise et il fait preuve de souplesse dans l’ornementation. Un concert Mozart ne serait pas le même sans Chérubin et ici même ses deux airs. Le “Non so più” revient à la jeune mezzo française Orana Ripaux. Sa voix veloutée dotée d’un léger vibrato, aux aigus perlés, sa belle musicalité et le soin apporté au texte font frémir le public. Le deuxième air “Voi che sapete” est chanté par Serena Pérez.  Sa voix ample de mezzo a de chaudes couleurs et une belle rondeur, donnant au personnage une allure plus exaltée que candide (peut-être une réminiscence de son interprétation d’Orphée). A l’aise scéniquement, elle se joint à Jazmin Black Grollemund pour une version décalée (avec téléphones portables) du duo extrait de Cosi fan tutte “Prendero quel brunettino”, déclenchant les rires du public. Tout sourire, la soprano possède une voix ample, nuancée aux aigus épanouis. Cette belle alchimie entre voix de soprano et de mezzo se retrouve également dans le duo amoureux entre Servilia et Annio, extrait de La Clémence de Titus “Ah perdona al primo affetto” interprété par Maria Koroleva et Serena Pérez. Le ténor britannique Alexander Bevan entame son air extrait de La Flûte enchantée avec une voix vibrante, bien projetée et un souci du phrasé constant. Le timbre n’est cependant pas assez nuancé et coloré pour exprimer le ressenti de Tamino, tombant amoureux à la vue du portrait de Pamina.

 

Enfin, Marley Jacobson (déjà soliste dans le concert Haendel) aborde de sa voix fraîche de jeune soprano au timbre clair et lumineux l’air de Blonde dans L’Enlèvement au Sérail. L’exercice est un peu périlleux pour la voix qui présente encore quelques fragilités au niveau de l’accroche et de la conduite de la ligne mélodique pour interpréter cet air où l’héroïne fait preuve d’une certaine véhémence pour combattre les avances d’Osmin.

Pour conclure ce concert, les voix de Jazmin Black Grollemund et Blythe Gaissert se rejoignent dans une belle harmonie, soutenue par les graves d’Igor Mostovoi pour le trio “Soave sia il vento” extrait de Cosi fan tutte, vent suave qui aurait été fort apprécié en cette journée caniculaire !

Philip Walsh remercie l’ensemble des chanteurs sans oublier les pianistes accompagnateurs pour leur belle complicité et le plaisir de travailler ensemble : David Jackson avec un jeu varié mais précis dans les tempi et les nuances, Joyce Fieldsend en accompagnatrice de classes de chant. Fier des Jeunes Artistes, ces derniers tous réunis interprètent le chœur extrait d’Idoménée “Placido e il mar, andiamo!” (la mer est calme, allons-y). Après de longs et chaleureux applaudissements, le public se dirige vers la sortie tout en admirant le coucher du soleil se reflétant sur un océan mordoré, d’un calme absolu.

22 08/2022

Le chant d’Orphée sauve Eurydice à Belle-Île | Olyrix 12-08-22

lundi 22 août 2022|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: |

Le 12/08/2022Par Véronique Boudier

Le Festival international Lyrique-en Mer de Belle-Ile fondé en 1998 renoue avec l’opéra (même s’il n’a jamais abandonné l’art lyrique), en proposant Orphée et Eurydice de Gluck sous la direction musicale de Philip Walsh (Directeur artistique de l’événement), dans une mise en scène de Robert Chevara.

Après deux saisons perturbées à cause du Covid mais durant lesquelles le Festival a néanmoins proposé des événements remarqués (y comprisdéconfiné, sacré, dansant), et en Gala d’Opéra), les festivités se poursuivent et reprennent de plus belle. Orphée et Eurydice de Gluck est ainsi le premier opéra à être joué à Belle-Ile depuis Lucia di Lamermor. Musique, théâtre mais aussi danse fusionnent ici dans la version en français arrangée par Berlioz (où le rôle titre est confié à une mezzo-soprano) pour l’une des plus émouvantes histoires d’amour de la mythologie antique.

Point de lyre, de couronne de laurier, de colonnes grecques pour cette version épurée que propose Robert Chevara. L’un des axes de sa mise en scène est la transformation du protagoniste devenant homme possédé plutôt qu’un héros. Le rôle de cet Orphée tourmenté à l’extrême est confié à la mezzo-soprano espagnole Serena Perez. Complètement investie, sa voix puissante, charnue, aux couleurs sombres se déploie même pour exprimer l’affliction et le désespoir profond. Elle répond ainsi et aussi aux souhaits du metteur en scène, par sa voix à la fois lyrique et dramatique avec un vibrato bien affirmé. Le son est parfois serré dans les aigus lorsqu’il est émis de la gorge, et la ligne de souffle manquant parfois de contrôle entraîne quelques petits problèmes de justesse. La voix bien projetée quand elle est seule perd toutefois en intensité dans les duos. L’agilité est certaine dans les vocalises même si elles n’ont pas la fluidité d’une voix plus droite (moins vibrante) proposée souvent pour ce rôle. Pourtant habituée du répertoire baroque, la chanteuse tend vers une approche plus XIXème siècle du rôle, correspondant plus à l’époque de Berlioz et aux exigences dramatiques mais aussi en raison des aléas de la production (l’indisponibilité de la chanteuse initialement prévue, pour cause de maladie, ne lui laissant qu’une quinzaine de jours de travail).

 

Le rôle d’Eurydice est confié à la jeune sopranoMaria Koroleva, qui passe de la douceur juvénile au désarroi et à la véhémence d’une femme se sentant négligée, se livrant à la mort. Elle restitue la dimension tragique du rôle avec un engagement scénique convaincu et une bonne diction. Le timbre clair de sa voix agile aux aigus bien ouverts et au vibrato léger lui permet quelques ornementations bien gérées. Le legato également contrôlé déploie son homogénéité à travers les registres.

Sharon Tadmor campe l’Amour enjôleur et plein de vitalité. Jeune soprano au timbre frais, sa voix est légère, bien projetée et légèrement vibrée, laissant entendre de délicates colorations sur certaines syllabes (placées sur les appogiatures : ornements accentués) renforçant la compréhension.

Pour sa mise en espace vivante, qualifiée de « gigue de la vie », le metteur en scène s’est associé à la chorégraphe finlandaise Sara Europaeus, présente également sur scène. Dans cet espace uniquement habillé de lumières (vert, rouge, orange, blanc délavé) suggérant les lieux, comme la descente aux Enfers, ce sont les chanteurs qui habitent la scène, et surtout le chœur constitué des neuf jeunes artistes du Festival. La chorégraphe propose des directives précises dans l’expression corporelle, véritable cheminement se mouvant en permanence, explorant l’espace, en bloc, en ligne, courant, rampant, se croisant, s’enlaçant (tout en respectant les parties chantées, en plaçant le chœur face au chef pour des départs précis). La part belle est donnée à une danse aux mouvements exécutés de façon collective, avec plus ou moins d’assurance et de précision selon les chanteurs mais qui présente l’avantage de mettre en avant le corps animant l’action théâtrale. Les jeunes artistes en formation assurent ainsi les élans du c(h)œur dans cet opéra où sa fonction est essentielle, assurant à la fois la narration du drame et endossant tour à tour le rôle des bergers et nymphes de l’acte I (vêtus de noir, couleur du deuil), des spectres et furies à l’acte II, les ombres heureuses (vêtues de blanc) à l’acte III avant d’être eux-mêmes, vacanciers à Belle-Île, pour le finale, habillés de costumes estivaux et colorés marquant le retour à la vie !

Sara Europaeus – Orphée et Eurydice par Robert Chevara (© Lyrique‑en‑mer)

Ces jeunes chanteurs, qui ne se connaissaient pas auparavant, de nationalités diverses et dont la plupart ne parle pas français, offrent une prestation plutôt homogène, même si certaines voix sont un peu plus affirmées que d’autres. La prouesse est louable et saluée comme telle : chanter, danser, bouger pouvant vite devenir périlleux car le soutien vocal peut se fragiliser suite à l’essoufflement lié à la performance physique. Les contrastes ne sont cependant pas assez marqués, comme dans le chœur des furies pris à un tempo un peu lent.

Parmi ces jeunes artistes du festival, certains ont également assuré des parties de solistes dans le concert « Venez chanter » réunissant 150 choristes amateurs autour du Messie de Haendel, notamment Alysia Hanshaw et Marley Jacobson aux voix de sopranos claires, à la ligne mélodique bien conduite et expressive, la mezzo Orana Ripaux présentant une belle homogénéité entre graves chaleureux et aigus lumineux, et enfin le ténor Erwan Fosset issu de la Maîtrise de Sainte-Anne-d’Auray (Prix Liliane Bettencourt pour le chant choral 2021) et membre du Choeur Mélisme(s), à la voix claire et agile, bien projetée dans Ev’ry valley.

 

Sans être particulièrement versé dans ce type de répertoire, l’Orchestre de Lyrique-en-mer constitué de 14 musiciens (un par pupitre) dirigé par Philip Walsh parvient à préserver musicalement l’intimité baroque de l’œuvre, notamment dans les passages avec solo instrumental. La maîtrise des nuances, des tempi, la recherche d’harmonie entre cordes et bois ne nuisent pas aux chanteurs, mais instaurent au contraire et par l’écoute du chef un tissu sonore propice au chant même si les effets de contraste mis au service de la dramatisation auraient pu être davantage appuyés.

Le public constitué d’habitués, résidants ou non sur l’Île, applaudit avec enthousiasme l’ensemble de la production, savourant leur chance d’assister à des productions lyriques de qualité grâce à une équipe (bénévoles compris) investie mais tout de même pressée de sortir de « l’Enfer » (certes relatif) de la salle Arletty qui manque d’atmosphère –n’étant pas climatisée– pour retrouver un peu de la fraîcheur nocturne.

www.olyrix.com

15 08/2021

Les voix et l’océan – Le Festival Lyrique de Belle-Île-en-Mer | Forum Opéra 12-08-21

dimanche 15 août 2021|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: |

Par Marcel Quillévéré | jeu 12 Août 2021 | Imprimer

De tout temps, Belle-Île-en-Mer a eu un lien fort avec l’Amérique du Nord (50% des Bellîlois sont d’ailleurs d’origine acadienne). Rien de plus  naturel, donc, que ce soit le célèbre baryton-basse Richard Cowan qui a eu l’idée d’y créer un Festival d’Art Lyrique en 1997. Cette année-là il chante à Berlin et décide de prendre des vacances en Bretagne. A Belle-Île, il visite la citadelle Vauban, et rencontre André et Anna Larquetoux à qui le domaine public a vendu un monument en péril et qui l’ont restauré de manière remarquable. Cowan chante pour eux et les convainc d’y organiser Le Festival Lyrique de Belle-Île-en-Merdont ils seront ainsi les premiers mécènes. En 1998 les deux premiers récitals ont attiré jusqu’à 600 personnes. Chaque année Cowan est parvenu, grâce au public et aux donateurs, à monter un opéra et de grandes œuvres pour solistes, chœur et orchestre (en petit effectif). En 2001, il fait appel au pianiste britannique Philip Walsh comme chef de chant et chef d’orchestre. À sa mort en 2015 c’est ce dernier qui reprend la direction artistique du festival. Le public est toujours aussi fidèle et la billetterie représente aujourd’hui 35% du budget allié à un mécénat à plus de 50%. C’est assez exceptionnel et ce courage mérite d’être soutenu davantage. Cet été, suite à la crise sanitaire, il n’y a pas d’opéra. Mais l’imagination et le talent sont au rendez-vous. Après une Soirée Cabaret, le public est convié le 1er août  à assister a un concert littéraire Un été chez Sarah Bernhardt à Belle-île qui évoque les séjours, chez elle, du compositeur Reynaldo Hahn. Le cadre choisi est sublime : la falaise de la Pointe des Poulains qui domine le fortin de la comédienne. Ce récital en plein air réunit, autour du piano de Philip Walsh, le comédien Michaël Martin-Badier et la soprano américaine Lauren Urquhart (en saison au Volksoper de Vienne) qui a remplacé au pied levé la cantatrice prévue. Un exploit car elle appris le répertoire en 36 heures. Le résultat est époustouflant. Elle nous fait comprendre chaque mot, et porte la musique au sommet. Sa voix de soprano léger au timbre lumineux distille avec justesse les poèmes choisis par Reynaldo Hahn parmi ceux de Verlaine, Hugo, Leconte de l’Isle, et bien d’autres. Dans l’Air du départ, sur le texte de Sacha Guitry, son interprétation rappelle même Yvonne Printemps sa dédicataire. A ses côtés, le comédien Michaël Martin-Badier est un élégant complice avec ce qu’il faut de douce ironie et d’humour. Le texte que Fabienne Marsaudon a écrit à partir des lettres et récits de Reynaldo Hahn est d’une sensibilité à fleur de peau et évoque la belle amitié du compositeur et de la comédienne avec une justesse et un sens de la théâtralité qui captive l’auditeur. Philip Walsh donne une grandeur insoupçonnée à plusieurs mélodies et souligne ainsi la filiation qui unit Hahn à Poulenc. Il joue plusieurs fois en soliste notamment l’accompagnement du Tango habanera qui vaut d’être entendu sans la ligne de chant. Il est rare d’entendre un récital entièrement consacré à Reynaldo Hahn. Grâce soit rendue aux interprètes de nous en avoir exprimé la véritable envergure. A la fin, sur les dernières phrases du piano, la chanteuse et le comédien se tournent, face à l’océan mordoré, vers le fortin de Sarah Bernhardt, alors qu’un soleil couchant éblouissant les illumine. Quand les artistes et l’écrivaine quittent la scène, ils se mêlent au public qui leur fait, très ému, une véritable haie d’honneur sur la lande.

Le 3 août rendez-vous dans la magnifique église de Locmaria (XIe siècle), pour le concert traditionnel de musique sacrée composé cette fois (actualité oblige!) autour du thème du Choral du Veilleur « Wachet auf » écrit par un compositeur du XVIe siècle, au temps de la peste, et repris par Bach et Mendelssohn. Le jeune chef David Jackson est à l’orgue. Il a réalisé la réduction pour un petit ensemble qu’il dirige : sept musiciens venus de partout en Europe dont l’excellent premier violon anglo-serbe Nemanja Ljubinkovič. Le quatuor vocal interprète les récits, airs et chœurs. Dommage qu’il soit peu homogène. Le ténor et le baryton, dans un répertoire qui leur convient mal, peinent à s’accorder au magnifique duo de Lauren Urquhart toujours aussi rayonnante et de la mezzo française Eléonore Gagey à la voix veloutée et l’émission franche et assurée. L’engagement de tous attire la sympathie du public, notamment dans les extraits du Paulus  de Mendelssohn.

Le lendemain c’est l’imposante citadelle de Vauban qui accueille les chanteurs pour un gala d’opéra. Le public a rempli la grande salle, lieu mythique du Festival. Eléonore Gagey est excellente dans l’air de Rosine du Barbier de Séville de Rossini et particulièrement émouvante dans l’air d’Ariodante de Haendel. Lauren Urquhart est à nouveau acclamée par le public notamment dans l’air de Morgane d’Alcina de Haendel et « O mio Babbino Caro » de Gianni Schicchi de Puccini. Sa technique exemplaire lui permet une égalité d’émission sur toute la tessiture, du grave sonore à l’aigu ample et brillant. Une vraie révélation !  Le ténor Peter Tantsits, très exubérant dans l’air de Gianni Schicchi, donne libre cours à des aigus très appuyés. Mais la ligne vocale et la justesse sont souvent hasardeuses. Un appui constant du souffle lui permettrait un meilleur legato et une diction vocalique plus précise. Le jeune baryton polonais Lukas Klimczak a une voix sonore et percutante. Son chant gagnerait à être plus nuancé car son timbre est magnifié quand il se permet des mezza-voce. Il est excellent dans l’air de Die Tote Stadt de Korngold et dans celui d’Eugène Onéguine de Tchaikovski.

Au piano David Jackson est tellement habité que le public lui fait une ovation. Durant les deux semaines du festival, c’est lui qui fait travailler le chœur d’enfants avec un talent rare de pédagogue. L’année prochaine il retrouvera le chœur de musique sacrée, formé par des amateurs de l’île et par les jeunes artistes en résidence. Car il y aura de l’opéra ! La beauté de ce festival (qui se poursuit cette année jusqu’au 12 août) tient aussi au fait que c’est le festival du peuple de Belle-Île et qu’il en est fier.

www.forumopera.com

11 08/2021

À Belle-Ile-en-mer, un été inoubliable avec Reynaldo Hahn chez Sarah Bernhardt | Vivace Cantabile 06-08-21

mercredi 11 août 2021|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: |

Site franco-japonais de musique classique et d’arts vivants

À Belle-Ile-en-mer, un été inoubliable avec Reynaldo Hahn chez Sarah Bernhardt

par Victoria Okada 06-08-2021

La 25e édition de Lyrique en Mer – Festival international de Belle-Île a donné un très beau concert le 1er août. Sur une terrasse sous le ciel, juste à côté du fortin de la tragédienne Sarah Bernhardt, sur la pointe des Poulains, des mélodies de Reynaldo Hahn se mêlaient aux mots.

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Le lieu est parfait pour une évocation poétique des souvenirs d’un été où Reynaldo Hahn, l’un des plus proches amis de Sarah Bernhardt, savourait le parfum maritime chez la résidence estivale de cette dernière.

 

Texte de Fabienne Marsaudon à la manière d’un journal intime de Reynaldo Hahn

Fabienne Marsaudon, autrice-compositrice-interprète, propose un texte écrit à partir des faits, ceux de l’été 1912, en se basant sur des récits et des lettres du compositeur, mais également sur des biographies et des archives de la tragédienne. Ce texte à la manière d’un journal intime, dit par Michaël Martin-Badier, est en parfaite adéquation avec la musique. À tel point qu’on ne sait pas si c’est le texte qui illustre la musique ou bien si c’est la musique qui s’insère dans le texte. Vers la fin, le récit aborde la mort de la mère de Hahn dans la même année 1912. L’écriture est si vraie qu’on a l’impression d’entendre la voix intérieure de Hahn ! L’immensité de la nature pour l’unique mise en scène, le concert se déroule au rythme des éléments. Ainsi, lorsque la musique évoque le coucher du soleil (Aux rayons du couchant, sur le poème de Jean Maréas), le soleil couchant au-delà du phare commençait à teinter le ciel et la mer aux couleurs dorées.
Michaël Martin-Badier semble se référer à Sacha Guitry dans sa façon de dire les mots, ce qui renforce l’atmosphère d’un salon littéraire. Il échange des regards avec la chanteuse et le pianiste, s’arrête de parler pour inviter les auditeurs à écouter les bruits lointains de la mer, ou lève les yeux pour contempler un moment le vent invisible. Les gestes sont naturels et spontanés, comme dans une vraie réunion amicale.

L’esprit de la Belle Epoque, un charme fou

Mais tout cela ne se serait pas passé de cette manière si la soprano américaine Lauren Urquhartn’avait pas remplacé au pied levé la chanteuse initialement prévue. En l’absence de celle-ci, Michaël Martin-Badier devait réadapter au dernier moment le timing et ses gestes, dans lesquels il a parfaitement réussi. Quant à la soprano qui ne parle pas le français, elle a appris phonétiquement les paroles, en moins de deux jours. Et sa diction est aussi claire que les chanteurs francophones les plus rompus dans l’exercice ! Outre la prononciation, elle possède un timbre cristallin et une projection naturelle, son intonation est juste. Si elle a tendance à raccourcir la dernière note d’un phrasé ample (qu’on aurait aimé entendre la résonance se prolonger), écouter sa voix est un vrai plaisir.
Au piano, le directeur artistique du festival Philip Walsh articule chaque note avec élégance. L’esprit de la Belle Epoque de Raynaldo Hahn est bien perceptible ça et là, ce qui apporte un charme fou à ce concert.

En bis, ils interprètent la célèbre Heure exquise. Et en effet, l’heure était exquise, avec un magnifique coucher du soleil à l’horizon. A la fin, les artistes se retournent vers le fortin, vers la mer, comme pour savourer le délice de ce moment unique.

Victoria Okada

www.vivace-cantabile.com