Aimé Césaire, le chant profond d’Haïti | Le Figaro
La Tragédie du roi Christophe, l’une des plus grandes pièces de la littérature française du XXe siècle.
Crédit photo : Michel Cavalca
Christian Schiaretti fait de La Tragédie du roi Christophe un opéra envoûtant. Trente-sept interprètes, dont l’exceptionnel Marc Zinga.
Est-ce la Caraïbe? Est-ce l’Afrique? Est-ce le monde? L’immense plateau du Théâtre national populaire (TNP) de Villeurbanne est vide, le sol est couleur terre. Au fond, une longue baraque ouverte sur la scène. Elle abritera les quatre musiciens et parfois la chanteuse qui, près de trois heures durant, accompagnent la représentation de La Tragédie du roi Christophe, l’une des plus grandes pièces de la littérature française du XXe siècle.
Publiée en 1963, créée dès l’année suivante par Jean-Marie Serreau, elle a fait depuis l’objet de mises en scène puissantes, telle celle de Jacques Nichet, en 1996. Antoine Vitez la fit entrer au répertoire de la Comédie-Française. Christian Schiaretti inscrit ce grand travail dans le droit fil de celui qu’il a consacré à Une saison au Congo, du même écrivain, en 2013.
Un même esprit, une ampleur, une audace
On retrouve d’ailleurs un même esprit, une ampleur, une audace, un sens du choral et de l’héroïsme. On retrouve une partie des artistes qui portaient, de toute leur vitalité, l’histoire de Patrice Lumumba. Ils sont près de quarante, venus de France, de Belgique, d’Afrique et notamment de Ouagadougou avec le collectif Béneeré. Acteurs rompus à la langue flamboyante d’Aimé Césaire et investis de toute leur énergie dans cette épopée qui finit mal. Histoire d’échec, histoire du basculement d’un idéaliste lucide dans la dictature. Histoire qui fait réfléchir.
Le 1er janvier 1804, Haïti devient la première république noire au monde. Dessalines, qui a mené la guerre de libération, est assassiné en 1806 quand débute l’action, combat pour le pouvoir qui oppose Alexandre Pétion et Henri Christophe. Ce dernier, ancien esclave, choisit de créer un royaume au nord de l’île. Il veut mettre au travail son peuple libre. Ce n’est que le début d’un long glissement tragique qui fracasse les espérances et les êtres.
Première république noire
Nous reparlerons de ce grand opéra qui, par-delà la Caraïbe, nous parle de l’Afrique. Marc Zinga avait incarné avec une puissance et une intelligence rayonnante Lumumba. Il est Christophe. Un héros shakespearien que le comédien, star du cinéma, porte avec une humanité et une intelligence bouleversantes. Aussi fin qu’impressionnant.
TNP-Villeurbanne (69) jusqu’au 12 février (tél.: 04.78.03.30.00). Les Gémeaux de Sceaux (92) du 22 février au 12 mars (tél.: 01.46.61.36.67). L’Avant-scène théâtre éditeur (14 €).
Source : Le Figaro