Théâtre National Populaire de Villeurbanne – Direction Christian Schiaretti

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5 02/2017

Aimé Césaire, le chant profond d’Haïti | Le Figaro

dimanche 5 février 2017|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: , |

La Tragédie du roi Christophe, l'une des plus grandes pièces de la littérature française du XXe siècle.

La Tragédie du roi Christophe, l’une des plus grandes pièces de la littérature française du XXe siècle.
Crédit photo : Michel Cavalca

 

Christian Schiaretti fait de La Tragédie du roi Christophe un opéra envoûtant. Trente-sept interprètes, dont l’exceptionnel Marc Zinga.

Est-ce la Caraïbe? Est-ce l’Afrique? Est-ce le monde? L’immense plateau du Théâtre national populaire (TNP) de Villeurbanne est vide, le sol est couleur terre. Au fond, une longue baraque ouverte sur la scène. Elle abritera les quatre musiciens et parfois la chanteuse qui, près de trois heures durant, accompagnent la représentation de La Tragédie du roi Christophe, l’une des plus grandes pièces de la littérature française du XXe siècle.

Publiée en 1963, créée dès l’année suivante par Jean-Marie Serreau, elle a fait depuis l’objet de mises en scène puissantes, telle celle de Jacques Nichet, en 1996. Antoine Vitez la fit entrer au répertoire de la Comédie-Française. Christian Schiaretti inscrit ce grand travail dans le droit fil de celui qu’il a consacré à Une saison au Congo, du même écrivain, en 2013.

Un même esprit, une ampleur, une audace

On retrouve d’ailleurs un même esprit, une ampleur, une audace, un sens du choral et de l’héroïsme. On retrouve une partie des artistes qui portaient, de toute leur vitalité, l’histoire de Patrice Lumumba. Ils sont près de quarante, venus de France, de Belgique, d’Afrique et notamment de Ouagadougou avec le collectif Béneeré. Acteurs rompus à la langue flamboyante d’Aimé Césaire et investis de toute leur énergie dans cette épopée qui finit mal. Histoire d’échec, histoire du basculement d’un idéaliste lucide dans la dictature. Histoire qui fait réfléchir.

Le 1er janvier 1804, Haïti devient la première république noire au monde. Dessalines, qui a mené la guerre de libération, est assassiné en 1806 quand débute l’action, combat pour le pouvoir qui oppose Alexandre Pétion et Henri Christophe. Ce dernier, ancien esclave, choisit de créer un royaume au nord de l’île. Il veut mettre au travail son peuple libre. Ce n’est que le début d’un long glissement tragique qui fracasse les espérances et les êtres.

Première république noire

Nous reparlerons de ce grand opéra qui, par-delà la Caraïbe, nous parle de l’Afrique. Marc Zinga avait incarné avec une puissance et une intelligence rayonnante Lumumba. Il est Christophe. Un héros shakespearien que le comédien, star du cinéma, porte avec une humanité et une intelligence bouleversantes. Aussi fin qu’impressionnant.

TNP-Villeurbanne (69) jusqu’au 12 février (tél.: 04.78.03.30.00). Les Gémeaux de Sceaux (92) du 22 février au 12 mars (tél.: 01.46.61.36.67). L’Avant-scène théâtre éditeur (14 €).

Source : Le Figaro

1 02/2017

Césaire en majesté au TNP | Les Echos Week-end

mercredi 1 février 2017|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: , |


Photo Michel Cavalca

De l’Afrique aux Caraïbes, du Congo à Haïti… Trois ans après « Une saison au Congo », on retrouve Marc Zinga, le collectif Béneeré (du Burkina Faso) et leurs camarades dans « La Tragédie du roi Christophe », l’oeuvre maîtresse d’Aimé Césaire. On est ému de retrouver sur scène une troupe intense de 18 comédiens, 14 figurants, 4 musiciens, mis en scène avec sobriété et tranchant par Christian Schiaretti.

Pourtant la pièce n’est pas facile à aborder. Césaire invente un théâtre total qui, à partir d’un personnage historique – Henri Christophe a régné sur le nord d’Haïti (de 1811 à 1820) quelques années après l’indépendance -, convoque Shakespeare, Claudel, Péguy, pour délivrer un message politique et poétique, humaniste et métaphysique. On pouvait faire confiance au directeur du TNP pour aller droit au texte – nous faire entendre toutes ses vérités douloureuses et ambiguës sur le difficile exercice du pouvoir après l’émancipation – à Haïti comme ailleurs.

Dans un décor circulaire, mêlant le profane et le sacré (la petite scène populaire, où jouent les musiciens est dominée par un orgue majestueux), Schiaretti ordonne des tableaux vifs et stylisés, privilégie les harangues face au public, limite les déplacements à l’essentiel… Du combat de coqs initial à la chute du roi paralysé, en passant par le sacre, il distille avec parcimonie des images fortes, s’effaçant volontiers devant la puissance des mots. Derrière la lutte entre Christophe, l’ancien esclave qui veut bâtir un monde nouveau à marche forcée, et Pétion, le mulâtre républicain qui cherche le compromis avec la France, pointe le surnaturel, l’esprit vaudou, une force tellurique que seul le poète peut exprimer.

Force de la langue

Si, par moments, le spectacle paraît un peu didactique et figé, on est emporté par la force de la langue, l’énergie et la beauté des comédiens. Le duo Marc Zinga (Christophe)-Emmanuel Rotoubam Mbaide (son bouffon Hugonin) fait des miracles – le premier imposant son charisme fiévreux, le second, sa drôlerie désespérée.

Et puis il ne faut pas s’y tromper : Schiaretti et sa troupe nous parlent d’abord de politique : de ce regard noir sur des Blancs qui cultivent l’amnésie, de l’utopie qui ­partout se fait la malle, du pouvoir qui se shoote à la folie. Le dernier acte, où le tyran apparaît sur son fauteuil roulant alors que son bouffon se grime en zombie, apparaît telle la sombre métaphore d’un présent délétère.

« La Tragédie du roi Christophe » d’Aimé Césaire. MS C. Schiaretti.
TNP de Villeurbanne, jusqu’au 12 fév.
A Sceaux (Gémeaux) du 22 fév. au 11 mars.
3 heures.

Source : Les Echos Week-end

2 12/2016

Congo vivant ! | Le Petit Bulletin

vendredi 2 décembre 2016|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: , |


Crédit Photo : Michel Cavalca

 

Décidément excellent quand il s’attelle à une fresque historique, Christian Schiaretti porte à la scène le poignant texte d’Aimé Césaire, « Une saison au Congo », avec une troupe unie de trente-sept interprètes. Un hommage à la liberté des peuples autant qu’à l’outil même de théâtre.

 

Une Saison au Congo d’Aimé Césaire, ms Christian Schiaretti. Lorsque le Congo belge acquiert son indépendance, débutent des affrontements pour l’accès au pouvoir

Christian Schiaretti : objectif 2019
Christian Schiaretti : objectif 2019

 

C’est peut-être son cercle de craie caucasien à lui, sa version africaine de Brecht. Christian Schiaretti a tracé un grand trait circulaire blanc au sol, au centre duquel se déroule un événement majeur : rien moins que l’acquisition d’indépendance d’un des pays les plus riches du continent africain, le Congo. Ce décor est alternativement le lieu d’une action située à Leopoldville (future Kinshasa) ou en Belgique, voire à l’ONU et, pourvu d’une scène musicale juste à l’arrière, il constitue surtout la première très bonne intuition de ce spectacle. Pas de grand barnum écrasant ni d’espace nu voire vide, encore moins de plateau démesuré dans lequel les acteurs se noieraient. Recentrée sur le devant de la scène, la troupe, quasi entièrement composée d’acteurs et figurants africains ou d’origine africaine, fait preuve d’une solidarité et d’une force collective qui éclaboussent sans cesse le spectacle et servent pertinemment son propos.

30 juin 1960, l’indépendance du Congo est proclamée par le roi des belges, Baudouin, au son du cha cha cha. La fête précède des instants plus solennels – comme le discours de Lumumba – puis la chute tragique de ce leader qui affirme avec humanité et cœur que «ce qui se joue ici, ce n’est pas notre sort, ce n’est pas le sort de l’Afrique, c’est le sort de l’homme».

Tragédie du non-roi Lumumba

Les faits s’enchaînent au pas de course durant 2h40 qui filent à toute vitesse, les scènes se succèdent avec fluidité grâce à une direction d’acteur impeccable, à croire que Christian Schiaretti n’est jamais aussi convaincant que dans cet exercice difficile (et de plus en plus rare sur les scènes françaises) du travail choral. Après Par-dessus-bord, Coriolan ou très récemment Mai, juin, juillet, le voilà à nouveau chef d’orchestre d’un collectif. La langue d’Aimé Césaire, ciselée, poétique, mais qui ne se perd jamais dans la fantasmagorie et laisse entendre un discours politique cinglant, est parfaitement restituée. Schiaretti balaye avec astuce et simplicité les entraves du texte original – la multiplication des changements de lieux est signalée par une simple inscription, donnant une légèreté bienvenue à l’articulation de la pièce.

A l’arrivée, Lumumba, son rival Mokutu et les autres acteurs de ce pan de l’Histoire vivent, se déchirent, existent pleinement, tandis que résonne cette sentence implacable de Césaire : «Tous les révolutionnaires sont des naïfs. Ils ont confiance en l’homme. Quelle tare !».

Une saison au Congo
Au TNP, jusqu’au vendredi 7 juin
Théâtre National Populaire – 8 place Lazare-Goujon – Villeurbanne

Source : Petit Bulletin

28 04/2016

Ubu, la « phynance » et le chaos, Les Echos Week-end

jeudi 28 avril 2016|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: , |

 

 

 

Photo Michel Cavalca

Source : Ubu, la « phynance » et le chaos, Les Echos Week-end

La pièce, jouée aujourd’hui, apparaît comme une métaphore du capitalisme en vrille, d’une société de (sur)consommation en pleine indigestion.

Jarry sans filtre… N’attendez pas une version policée de la pièce emblématique de l’écrivain anar. Christian Schiaretti a remisé les décors stylisés, la distance cérébrale qui caractérisent ses mises en scène pour cet « Ubu Roi (ou presque) » à l’affiche du TNP de Villeurbanne. Du chaos, du mauvais goût assumé… de la « merdre » sur le plateau ! La scène est couverte de terre et de déchets de toutes sortes. D’immenses colombins et un magma de collines difformes dessinent le relief « art brut » de cette Pologne de pacotille, dont la couronne sera usurpée par le Père et la Mère Ubu.

Ce retour aux sources « potachique » et scatologique n’a rien d’innocent. Le directeur du TNP entend montrer le côté visionnaire d’Alfred Jarry. Ubu est, selon lui, l’avatar d’un monde littéralement dans la « merdre » ; la pièce, jouée aujourd’hui, apparaît comme une métaphore du capitalisme en vrille, d’une société de (sur)consommation en pleine indigestion. Schiarretti fait valoir que ce qui motive le couple Ubu est moins le pouvoir, que la « phynance » – l’argent qu’il accumule frénétiquement – jusqu’à tuer la poule aux œufs d’or…

Cet « Ubu Roi », façon grande décharge a l’allure d’une pochade spectaculaire – et musicale (orchestrée par Marc Delhaye du haut de sa colline). Les ragoûts de la mère Ubu sont dégoûtants, l’exécution des nobles, magistrats et « phynanciers » (affublés d’un masque d’Emmanuel Macron) se fait dans des giclées de sang, les obus sont des ordures et des bouteilles vides. On complote, on s’engueule, on tyrannise, on se déchiquette… et on chante à tue-tête.

Plaisir vorace et rebelle

Pour autant Schiaretti reste Schiaretti. Le chaos est très organisé, rythmé de gags et d’effets (lumières « flashy », batailles réglées comme des numéros de music-hall), collant fidèlement au texte. La distribution – une dizaine de « comédiens-Frégoli » – cultive un décalage bienvenu, évitant que le spectacle sombre dans la vulgarité. Ainsi le couple vedette fuit-il tout comique troupier. Stéphane Bernard est un Père Ubu salle gosse (resté au stade anal) presque lunaire. Elizabeth Macocco, la Mère Ubu, joue les mégères apprivoisées – tous deux ont l’air atrocement humains…

Le texte a certes des tunnels que la mise en scène foisonnante ne peut tout à fait gommer, mais la « fatrasie collective » débridée que nous offre Schiaretti se déguste avec un plaisir vorace et rebelle. Jusqu’à cette ultime chanson du « décervelage » qui sonne comme un « protest-song » satirique de notre temps.

Théâtre : « Ubu Roi (ou presque) » d’Alfred Jarry, MS C. Schiaretti. TNP. Villeurbanne, jusqu’au 29 avr. et du 31 mai au 10 juin. 1 h 50. (04 78 03 30 00)

13 11/2015

Bettencourt Boulevard : Interview de Christian Schiaretti, metteur en scène de la pièce

vendredi 13 novembre 2015|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: |

15 07/2015

Avignon : l’affaire Bettencourt avec Anouk Grinberg | Le Figaro

mercredi 15 juillet 2015|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: , |

TNP Villeurbanne - Direction Christian Schiaretti - «Bettencourt Boulevard» de Michel Vinaver

Dans le cadre du cycle de France Culture au musée Calvet, la comédienne a lu magistralement la pièce de son père, Michel Vinaver, Bettencourt Boulevard ou une histoire française.

Les politiques vont et viennent dans Avignon sans susciter la passion des foules. Mais la politique est au cœur du festival, avec des rencontres, des débats. C’est encore mieux quand le théâtre s’empare de sujets d’actualité.

Michel Vinaver, 88 ans, s’est toujours intéressé à la société, au monde. Lui qui fut l’un des grands dirigeants de Gillette France, a puisé ses arguments dans la guerre avec Les Coréens, dans les faits divers avec L’Ordinaire, dans l’entreprise avec Par-dessus bord, dans la réalité avec 11 septembre 2001.

Il y a un peu moins d’un an, L’Arche a publié sa nouvelle pièce, Bettencourt Boulevard ou une affaire française. Elle sera créée en novembre prochain, au Théâtre national Populaire de Villeurbanne, dans une mise en scène de Christian Schiaretti.

Cette pièce, Blandine Masson, directrice de la fiction à France Culture, l’a programmé en ouverture de l’excellent cycle de lectures et de mises en espace en public, donné dans la cour du Musée Calvet d’Avignon. C’est Michel Vinaver qui devait lire lui-même sa pièce. Mais il a été renversé dans le métro, à Paris, et a dû être hospitalisé avec une méchante fracture. C’est sa fille, la merveilleuse Anouk Grinberg, qui l’a remplacé. Elle a eu trois jours pour travailler et le résultat, vendredi soir, était remarquable.

Travail documentaire

Blandine Masson et Anouk Grinberg ont enregistré à l’aide d’un simple téléphone les propos de l’écrivain, lundi dernier et les diffusent liminairement. De sa voix ferme, Michel Vinaver explique son projet, analyse son propos. Pour lui, par-delà «l’affaire», c’est bien notre histoire qui affleure. Et la pièce en témoigne. Gilet sans manches et pantalon noirs, fine comme une brindille, Anouk Grinberg commence par la liste des personnages par ordre d’entrée en scène: chroniqueur, Eugène Schueller, Rabbin Robert Meyers, Liliane Bettencourt, François-Marie Banier, Patrice de Maistre, Françoise Bettencourt Meyers, Lindsay Owen-Jones, Dominique Gaspard, etc…Ils sont dix-sept personnages. Sans le faire exprès, Anouk Grinberg, très émue, a sauté un nom…Celui de Nicolas Sarkozy! Joli lapsus!

C’est que la pièce est bâtie sur un travail documentaire d’une précision profonde et l’on verra aussi apparaître en une scène hallucinante trois jeunes gens en visite en Allemagne en 1939, quelques semaines avant le déclenchement de la guerre: André BettencourtFrançois Dalle, qui fut le grand PDG de l’Oréal, François Mitterrand. Une évocation qui éclaire leurs relations futures, leurs mentalités et l’Histoire!

Michel Vinaver a construit la pièce en trente scènes qu’il nomme «éclats». Des précipités dramatiques très savoureux dans lesquels, de sa plume aigue, il cerne les personnages et les faits.

Source : Le Figaro

12 10/2014

L’affaire Bettencourt, boulevard pour Vinaver | Libération

dimanche 12 octobre 2014|Catégories: Spectacle Vivant|Mots-clés: , |

Elégante et sarcastique, l’écriture de Michel Vinaver s’amuse à trouver la fable sous l’anecdote, et la tragédie sous le linge sale. Comme le résume la préface :«Cette pièce dont le sujet est tiré de l’actualité la plus brûlante rassemble, chemin faisant, les éternels composants des légendes et des mythes.»

Source : Next.liberation.fr