Avec l’humoriste Jason Brokerss, le stand-up entre à La Scala

Une nouvelle salle de 180 places, La Piccola Scala, réservée aux talents émergents, vient d’ouvrir à Paris.

Par Sandrine Blanchard  Publié aujourd’hui à 10h42

La Piccola Scala, une nouvelle salle réservée aux talents émergents à Paris. ALEXEI VASSILIEV

Il faut avoir une bonne dose d’optimisme pour ouvrir à Paris, en cette rentrée plombée par le Covid-19, une nouvelle salle de spectacle de 180 places. « A la sortie de cette crise sanitaire, qui fait suite à celles, sociales, des “gilets jaunes” puis des grèves contre la réforme des retraites, on sera indestructibles », veut croire Frédéric Biessy, directeur du théâtre La Scala. Refusant d’être « tétanisé » par cette rentrée cataclysmique pour le secteur culturel, il a maintenu le lancement de La Piccola Scala, un nouveau lieu niché sous la grande Scala de 500 places.

 « Je n’ai pas joué depuis mi-mars, je fais ma première le 15 octobre et le 17, c’est couvre-feu. Je suis le roi du timing ! », plaisante l’humoriste Jason Brokerss, qui inaugure ce petit amphithéâtre où le public, installé en arc de cercle, est au plus proche de l’artiste. Par sa configuration, cette Piccola Scala fait penser, en plus petit, à la salle de L’Européen, l’un des hauts lieux parisiens du stand-up. C’est d’ailleurs une petite bande de stand-upeurs, Fary, Panayotis Pascot et Jason Brokerss, qui a conseillé au directeur d’aménager le lieu en amphithéâtre. « J’étais allé découvrir le nouveau comedy club de Fary, Madame Sarfati, et je leur ai proposé de passer à La Scala car on galérait sur l’agencement de la nouvelle salle, raconte Frédéric Biessy. Et leur idée a été la bonne. »

Avec La Piccola Scala, le stand-up fait son entrée à La Scala. « Ces jeunes humoristes collent au plus près de la société. Ce ne sont pas seulement des stand-upeurs mais des auteurs dotés d’une grande curiosité », considère le directeur. Ce n’est pas le premier théâtre parisien qui ouvre ses portes à ce genre d’humour. Le Théâtre de l’Œuvre ou l’Edouard VII (où Haroun s’est produit l’hiver dernier), pour ne citer qu’eux, multiplient les propositions de one-man-show.

« Provoquer des rencontres »

« Cela me plaît de brasser les genres et je n’avais pas encore tenté cet univers », justifie Frédéric Biessy en jurant que ce choix n’est pas dicté par des considérations économiques. Pas de décor, juste un comédien et un micro, il n’y a pas plus léger qu’un plateau de stand-up. « Si c’était pour des raisons financières, je l’aurais programmé dans la grande salle », se défend le directeur.

En découvrant, en février, le spectacle de Jason Brokerss au Musée de l’homme (dans le cadre de l’opération Paris face cachée),  suivi d’une discussion sur le racisme avec l’anthropologue Evelyne Heyer, Frédéric Biessy a été, dit-il, « fasciné » par ces regards croisés. La Piccola Scala « sera réservée aux talents émergents et à de nouveaux univers, en danse, musique, théâtre, etc. J’ai envie de provoquer des rencontres, par exemple entre humour et philosophie », poursuit-il, en rêvant d’un échange entre Jason Brokerss et la philosophe Cynthia Fleury.

L’humoriste Jason Brokerss à La Scala à Paris, en juin 2020. LAMBERT DAVIS

Intitulé 21e seconde – « parce que, quand tu rencontres quelqu’un pour la première fois, inconsciemment, en vingt secondes, cette personne se fait un avis sur toi et décide si tu es quelqu’un de bien ou pas » –, le spectacle de Jason Brokerss interroge les préjugés et le vivre-ensemble. A 34 ans, cet artiste musulman, au crâne rasé et à la longue barbe noire, sait prendre du recul sur ce que son physique inspire et parle mieux que personne des contrôles au faciès.

Avec un mélange d’autodérision et de bienveillance, il aborde avec aisance aussi bien le quotidien des usagers des bus low cost que les tourments du mariage ou les grands bonheurs et petites angoisses de la paternité. Ses thématiques ne sont pas d’une grande originalité mais son personnage est attachant et ses vannes savoureuses. « Pour la première fois, avec ce spectacle, les habitants de Strasbourg-Saint-Denis, le quartier du théâtre, entrent dans La Scala », se réjouit Frédéric Biessy en découvrant le public jeune et bigarré de Jason Brokerss.

21e seconde, de et avec Jason Brokerss, mise en scène : Fary. A La Piccola Scala,  13, boulevard de Strasbourg, Paris 10e. Jusqu’au 15 novembre, les samedis à 16 h 30 et à 18 h 30, et les dimanches à 18 h 30.

Sandrine Blanchard 

www.lemonde.fr