Théâtre : le « Peer Gynt » écolo-rock d’Irina Brook ©M.Rittershaus
Source : Théâtre : le « Peer Gynt » écolo-rock d’Irina Brook, Les Echos Week-end
La directrice du Théâtre National de Nice reprend dans sa ville et en tournée son adaptation de la saga d’Ibsen, créée en 2012. L’homme-matamore, l’homme seul, défie la nature et le monde fragiles, dans une atmosphère très rock & roll.
En tant que responsable du Théâtre National de Nice, Irina Brook s’évertue à mettre au cœur de son mandat la question de l’Homme en relation avec l’environnement. La reprise de « Peer Gynt », créé en 2012 au Festival de Salzbourg, montre qu’une telle préoccupation s’illustraient déjà dans son travail d’artiste. Ses deux fonctions de directrice et de metteure en scène étant maintenant liées, « Peer Gynt » sera joué à Nice le 22 avril, date du Earth Day _l’un des événements mondiaux les plus importants en matière d’écologie.
Au cœur d’une forêt Scandinave, vivent chichement Peer Gynt et sa mère. L’homme est rejeté par les habitants alentours: ses idées saugrenues lui donnent l’air d’un fou. Cette réalité froide a l’apparence d’un conte hivernal fantastique. Peer ne se soumettra pas à cette existence sans joie : il sera un homme célèbre ! Dans sa quête d’un grand destin, il se débarrassera de tout ce qui lui est désormais superflu, à commencer par son âme qu’il léguera aux trolls en promettant d’adopter leur devise « just satisfy yourself ! ».
Iggy Pop et Sam Shepard

À Nice, on est loin de la forme originelle du drame norvégien de Henrik Ibsen. Irina Brook a opéré un important travail d’adaptation. L’histoire est fortement modernisée dans le choix des expressions, tout en conservant une apparence hors du monde commun. Iggy Pop (avec qui Brook rêvait de travailler à sa première lecture de la pièce, il y a 30 ans) s’est chargé de composer deux chansons, quand Sam Shepard a réécrit les monologues phares de la pièce.
Le résultat de cette collaboration est à la hauteur de ce à quoi l’on peut s’attendre : rock and roll à souhait. L’orchestre sur scène assure la musique, les bruitages, et souligne par de nombreuses incises l’ironie de la vie que cherche à mener « P. G. ». Ironie d’autant plus renforcée par l’abondance de chansons country. Une musique bien enracinée pour quelqu’un qui passe sa vie à chercher qui il est ! Peer Gynt multiplie les rencontres dans un monde vaste, aux apparences multiples, toujours prêt à faire chuter les bonnes âmes par un excès de haine ou une pensée inexistante.
La mise en scène souligne la détresse du héros qui finit par être pris dans une nostalgie étouffante teintée de regrets. Doté d’un véritable amour de la nature, Peer Gynt en est malheureusement inconscient. Dans l’univers créé par Irina Brook, il y a quelque chose d’elfique, la quête de Peer est similaire à celle de Frodon dans le Seigneur des Annaux à ceci près que le héros d’Ibsen lutte contre un Sauron intérieur.
Ivar Sigurdsson tient le premier rôle. L’acteur islandais aux multiples Edda Awards (l’équivalent insulaire de nos Césars), devient sous la baguette de Brook un adolescent quinquagénaire espiègle et fou. La mise en scène souligne la tension physique entre Peer et son environnement, il est une tornade destructrice pour tous ceux qui l’approchent. La pièce d’Ibsen illustre bien que chacun des choix de vie d’une personne implique des conséquences pour toutes celles qui l’entourent, comme chacune de nos décisions a des conséquences pour la planète. Peer Gynt se demande « qui suis-je », il ne trouve pas la réponse, mais pour le spectateur elle est limpide : on ne peut être soi-même qu’en acceptant les autres.
Mise en scène d’Irina Brook – Durée : 2h45 (avec entracte). En anglais surtitré.
Théâtre National de Nice, le 22 avril.
Théâtre de Lorient, les 11 et 12 mai.
Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines les 19, 20 et 21 mai.
La Criée – Théâtre National de Marseille, les 27 et 28 mai.