Mercredi 21 Octobre 2020

Gérald Rossi

Ruthy Scetbon propose à Paris son premier spectacle, Perte. L’aventure d’une femme de ménage qui nettoie la scène du théâtre et découvre que le public est dans la salle… C’est bien vu, drôle, et poétique.

D’abord, elle ne se doute de rien. Comme chaque soir, quand les comédiens sont rentrés chez eux, et que le public est lui aussi parti rejoindre ses pénates, la jeune femme entame sa mission. Celle de nettoyer la scène. Sauf que, cette fois, elle découvre que le public n’est pas parti, qu’il est dans la salle et qu’il la regarde. De quoi en effrayer plus d’un/une. Mais pas quand il s’agit d’une clowne. Au contraire.

D’abord avec peu de mots, des regards timides, des gestes esquissés, la femme de ménage entame un ballet avec son balai et un dialogue avec le public. Ce spectacle réjouissant, qui se déroule dans la toute nouvelle petite salle de la Scala, à Paris, avait une histoire avant de débuter, à l’heure de la réouverture des théâtres (malmenés par la crise sanitaire). Car la jeune clowne Ruthy Scetbon, afin de payer ses cours de la célèbre école Jacques Lecocq, a travaillé comme ouvreuse dans cette même Scala. Ce qu’elle évoque d’ailleurs dans Perte, écrit avec Mitch Riley, qui en assure aussi la mise en scène.

La vie rêvée des objets

Prenant petit à petit de l’assurance, la jeune femme au nez rouge entreprend de détailler comment elle procède, chorégraphie les mouvements de son grand balai, échafaude une théorie sur la poussière qu’elle expertise, tout comme elle imagine la vie passée des objets trouvés dans la salle. Et voilà des manteaux, une chaussure et même une jupe à paillettes dorées ayant appartenu à une danseuse.

Et le récit bifurque encore. Que sont devenus les propriétaires de ces objets délaissés ? Sont-ils morts ? Les ont-ils oubliés ? Avec autant d’humour que de poésie, Ruthy Scetbon campe ce personnage imprévu à qui il appartient de mettre ensuite la scène en veille, chaque soir, stoppant tous les rêves en branchant la Servante. Laquelle restera seul point de lumière jusqu’au lendemain. C’est touchant et c’est aussi très drôle, les fous rires qui se déclenchent certains soirs en témoignent.

Crédit photo : Chloé Tocabens

La Perte, à la Scala, 13 boulevard de Strasbourg, Paris 10e. À 18h30, les jeudis et vendredis, jusqu’au 30 octobre ; puis les mardis et mercredis à partir du 3 novembre. Téléphone : 01 40 03 44 30 et www.lascala-paris.com